mardi 24 juin 2014

[obs.] Critique par la Cour européenne des droits de l'Homme du pouvoir discrétionnaire de la police ["the discretionary power of the police"] de placer en garde à vue [CEDH, sect. IV, 24 juin 2014, PETKOV et PROFIROV contre Bulgarie, req. nos 50027/08 et 50781/09, en angl.]

Si l'arrêt se trouve pourvu du niveau d'importance le plus faible, il nous semble se situer directement dans le mouvement de la jurisprudence européenne aboutissant à un meilleur contrôle de la garde à vue, confortant les solutions récentes, sans non plus, il est vrai, réaliser d'apport substantiel.

L'arrêt sanctionne le pouvoir discrétionnaire de la police de placer en garde à vue ["the discretionary power of the police" ; § 53], et le raisonnement de la Cour pose de manière limpide trois critères lui servant à apprécier la validité de l'arrestation et de la détention du suspect.

Deux critères ressortent du texte même de la Convention à l'article 5 § 1er-c), qui autorise l'arrestation et la détention du suspect "s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci". D'abord, la Cour contrôle de manière classique l'existence des soupçons au moment de l'arrestation, condition faisant défaut en l'espèce [§ 46].

La Cour déduit ensuite de la même disposition un critère finaliste : l'arrestation et la détention du suspect doivent servir à conduire l'individu devant l'autorité judiciaire ["the purpose of bringing the arrested person before the competent legal authority" ; § 52]. Dès lors que la détention de vingt-quatre heures des individus n'a servi qu'à leur audition rapide après l'arrestation, sans enregistrement, l'absence d'enquête plus approfondie durant la détention exclut que celle-ci ait servi cette finalité. Ce dernier critère, à se développer, pourrait servir à sanctionner la courte garde à vue de confort, même en cas d'existence de soupçons suffisamment graves pour justifier l'arrestation [ce raisonnement avait servi à la Cour jusqu'ici pour sanctionner des gardes à vue plus longues ; v. par exemple CEDH, sect. IV, 15 octobre 2013, GUTSANOVI contre Bulgarie, req. n° 34529/10].

Enfin, la Cour, sur le fondement plus général de l'article 5, rappelle que toute privation de liberté ne peut être légitime que si elle est entourée de garanties suffisantes contre l'arbitraire. Si elle constate en l'espèce que les individus n'avaient pu bénéficier ni de l'accès à un avocat dès leur arrestation, ni d'un recours leur permettant de contester immédiatement la légalité de leur détention pour obtenir leur libération [§ 54], nouveaux vices justifiant la condamnation [§55], la Cour n'en fait toutefois pas des garanties exigées par la Convention, mais justifie leur examen par leur consécration dans la législation nationale ["in so far as the domestic law provided for some guarantees against arbitrariness"; § 54].

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