1.
Bref retour sur les différentes affaires. Pour
la troisième[1]
– affaire du Ponant - et la quatrième
fois[2] –
affaire du Carré d’As -, dans deux
arrêts rendus le même jour, après les arrêts Medvedyev[3] -
affaire du Winner - et Vassis[4] -
affaire du Junior - qui avaient été remarqués,
notamment – surtout ? - quant au rejet de considérer le magistrat du
parquet français comme une « autorité
judiciaire » au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, la Cour européenne de Strasbourg s’est donc prononcée sur la
conventionnalité de l’arrestation et de la détention des suspects d’actes de
piraterie ou de transport de stupéfiants en mer par les forces militaires
françaises en dehors du territoire national. D’abord, le contrôle européen
porte sur la légalité de la privation de liberté des suspects – arrestation et
détention -, exigence ressortant de l’article 5 § 1er([5]),
impliquant que la privation de liberté repose sur une base légale prévisible et
précise, concernant des pratiques résultant de la coopération internationale
des États et visant à lutter contre la grave criminalité. Ensuite le contrôle
porte sur le respect de l’Habeas corpus,
prévu par l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de
l’Homme, qui impose que la personne suspectée soit « aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la
loi à exercer des fonctions judiciaires », concernant des cas où,
nécessairement, le moment de la présentation du suspect devant le juge se
trouve fortement décalée du moment de l’arrestation, du fait de l’éloignement
géographique séparant les deux lieux. Sans grande surprise, les deux derniers
arrêts Ali Samatar et Hasan n’apparaissent pas novateurs, reprenant
en grande partie les principes développés antérieurement par la jurisprudence
européenne : celle-ci apparaît pour l’essentiel stabilisée, qu’il s’agisse
de l’analyse rigoureuse de l’existence d’une base légale prévisible et précise à
la privation de liberté (n° 2), qu’il
s’agisse du maintien d’une marge d’appréciation dans le contrôle de la célérité
de l’acheminement des suspects sur le territoire (n° 3), qu’il s’agisse du refus d’imposer un contrôle en temps réel
par l’autorité judiciaire de la détention des suspects (n° 4), qu’il s’agisse de la reconnaissance de l’aptitude du juge
d’instruction français à l’exercice de l’Habeas
corpus (n° 5), ou qu’il s’agisse
enfin du rejet de la validité du placement en garde à vue des suspects à leur
débarquement sur le territoire national (n°
6).
2.
L’analyse rigoureuse de l’existence d’une base légale précise et prévisible à
la privation de liberté. L’arrêt de Grande chambre Medvedyev, confirmant sur ce point la
Section, a effectué un contrôle plutôt rigoureux de l’existence de la base
légale, de sa prévisibilité et de sa précision, concluant à son défaut[6],
malgré le domaine de collaboration internationale des États et le domaine de
criminalité concerné, rejetant en la matière l’adage Male captus, bene detentus[7],
quand bien même la Cour regrettait explicitement « que la lutte internationale contre le trafic de stupéfiants en haute
mer ne soit pas mieux coordonnée »[8].
La Cour de cassation, saisie de l’affaire du Winner[9],
du Ponant[10] et du Junior[11],
s’est montrée à chaque fois moins rigoureuse quant au contrôle de la base
légale[12].
La Cour européenne des droits de l’Homme dans l’affaire du Carré d’As[13] a maintenu un niveau élevé de contrôle
de la légalité de la base légale[14].
Si la privation de liberté peut reposer sur une résolution de l’Organisation
des nations Unies préalable, dès lors que, par renvoi, la possibilité de priver
de liberté l’équipage est expressément prévue par la disposition[15], encore
faut-il que celle-ci soit suffisamment précise. La Cour jugeait les
dispositions applicables, celles internationales et nationales, trop générales[16],
dès lors qu’« aucune règle
définissant les conditions de la privation de liberté susceptible de leur être
ensuite imposée dans le but de les conduire devant l’autorité judiciaire
compétente » n’était prévue par celles-ci[17].
La Cour européenne des droits de l’Homme se montrait de nouveau plus rigoureuse
que la Chambre criminelle dans la même affaire, alors pourtant que le contrôle de
cette dernière était apparu ici plus poussé par rapport aux précédents déjà cités[18]. Cependant,
la Cour européenne des droits de l’Homme restait silencieuse quant aux défauts de
la loi française dans l’arrêt Hassan,
alors qu’elle avait été plus explicite dans l’arrêt de Section Medvedyev, pour stigmatiser l’absence de
la consécration de droits aux suspects durant leur acheminement, « notamment quant aux possibilités pour les
intéressés de contacter un avocat ou des proches »[19].
Un tel apport n’avait déjà pas été repris par l’arrêt de Grande chambre Medvedyev, tandis que depuis, une
décision de la Cour a exclu de tirer de l’article 5 §1er un droit
pour la personne privée de liberté de bénéficier de l’assistance d’un avocat
dès l’arrestation[20]. L’arrêt
Hassan semble donc confirmer l’abandon de l’apport de l’arrêt de
Section Medvedyev. On notera
cependant que dans le dernier état de sa jurisprudence, la Cour fait toujours référence
à son arrêt Amuur[21], qui
avait aussi été utilisé par la Cinquième section dans l’arrêt Medvedyev[22]
et dont l’apport débordait déjà vers l’obligation d’inscrire dans la loi, en
plus de la définition de la durée de la privation de liberté et de son régime, des
droits protecteurs au profit de la personne arrêtée[23]. D’ailleurs,
la formulation retenue par l’arrêt Hassan,
mettant à la charge de l’État l’obligation d’un « système juridique » offrant « une protection suffisante contre les atteintes arbitraires au droit à
la liberté »[24],
est de nature à permettre de réintégrer l’apport de l’arrêt de Section Medvedyev.
3.
Le maintien d’une marge d’appréciation dans le contrôle de la célérité de
l’acheminement des suspects sur le territoire.
L’Habeas corpus européen de l’article
5 § 3[25],
limité au suspect, suppose une présentation automatique[26]
et prompte[27]
de celui-ci à un « magistrat [présentant] les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des
parties »[28], permettant d’« examiner les questions de régularité [de
l’arrestation et de la détention] et
celle de savoir s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la
personne arrêtée a commis une infraction »[29],
après que le suspect a été « entendu »[30],
et le magistrat doit « avoir le pouvoir
d’ordonner l’élargissement »[31].
L’Habeas corpus se distingue donc du
recours en légalité de la privation de liberté ouvert par l’article 5 § 4,
celui-ci étant réservé à l’initiative de la personne privée de liberté,
bénéficiant d’une célérité moindre - à « bref délai »[32]
plutôt qu’« aussitôt »[33] -,
et relevant du « Tribunal »[34],
c’est-à-dire d’un organe juridictionnel statuant dans le respect des grandes
garanties du procès équitable[35], dépassant
la simple présentation à l’autorité judiciaire[36].
La Cour européenne des droits de l’Homme, au fil de sa jurisprudence, a établi
un délai maximal de quatre jours, partant de l’arrestation et dans lequel doit
avoir lieu la présentation du suspect à l’autorité judiciaire, son dépassement,
dans des circonstances normales, entraînant une violation de la Convention dans
un raisonnement in abstracto[37].
Avant même les affaires françaises, la Cour avait déjà admis qu’un délai de
seize jours séparant l’arrestation de suspects en haute-mer et leur
présentation devant l’autorité judiciaire nationale ne violait pas la célérité
de l’Habeas corpus[38],
compte‑tenu des « circonstances tout
à fait exceptionnelles » de l’affaire, permettant d’établir « une impossibilité matérielle d’amener
physiquement le requérant devant le juge d’instruction dans un délai plus court »[39].
Si le raisonnement de la Cour dans la décision Rigopoulos annonçait un contrôle plutôt sévère et in concreto de la diligence des
autorités nationales à assurer prestement l’acheminement des suspects vers le
territoire national, l’affaire Medvedyev a
permis de concéder une marge d’appréciation aux États, alors que les suspects
avaient été transportés par voie maritime sur le navire arraisonné, remorqué à
faible allure au regard de son délabrement, si bien que leur acheminement avait
duré treize jours. La Grande chambre ne contrôlait pas véritablement le
déroulement des opérations entre l’arraisonnement et le début du déroutement et
établissait qu’il ne lui appartenait pas de contrôler le moyen d’acheminement
choisi par l’État, dès lors qu’il ne lui revient pas d’étudier « la faisabilité » d’une solution
plus rapide[40].
La marge d’appréciation ainsi concédée, critiquée dans une opinion
partiellement dissidente[41],
était maintenue dans l’arrêt Vassis pour
un acheminement de dix-huit jours, alors que, de nouveau, les suspects avaient
été transportés sur le navire arraisonné et que la possibilité de recourir à une
collaboration internationale pour permettre une présentation plus rapide des
suspect était rapidement éconduite par la Cour[42].
Il ne s’agit plus vraiment, pour reprendre les termes de la décision Rigopoulos, d’établir «
une impossibilité matérielle d’amener physiquement le requérant devant le juge
d’instruction dans un délai plus court », mais plutôt de démontrer que
l’acheminement n’a pas duré « plus
de temps que nécessaire »[43],
selon les termes plus coulants des arrêts ultérieurs. Cette approche a été
maintenue par la Cour européenne des droits de l’Homme dans les arrêts les plus
récents, concernant cette fois-ci les affaires de piraterie du Ponant et du Carré d’As, pour des suspects acheminés, à la différence des
affaires du Winner et du Junior, par avion. Si la durée
d’acheminement était donc plus rapide, ne dépassant pas quelques jours[44], le
délai de traduction était ralenti les deux fois par la détention préalable des
suspects sur des navires français, le temps de l’obtention de l’accord du
gouvernement somalien, pour autoriser le transport de ceux-ci en France[45]. Concernant
ces affaires, la Cour reprenait les formulations employées dans ses
raisonnements plus anciens, montrant l’application des mêmes principes[46], mais
la diligence des autorités nationales pour organiser l’acheminement, en amont
et en aval de l’obtention de son autorisation par l’État étranger, ne faisait
pas l’objet d’un contrôle poussé, la Cour renvoyant, à chaque fois, de manière
générale, aux difficultés administratives de l’État somalien ou encore à la nature
complexe de telles opérations[47],
alors pourtant que les durées d’acheminement des différentes affaires variaient
de manière importante[48].
La marge d’appréciation retirée en matière de collaboration internationale
quant au contrôle de la base légale de la privation de liberté était maintenue
quant à sa mise à exécution.
4.
Le refus d’imposer un contrôle en temps réel par l’autorité judiciaire durant
la détention des suspects. L’arrêt Medvedyev de Section, tout en disqualifiant le magistrat du parquet
français pour le réaliser, imposait, dans son étude de la qualité de la loi[49],
que la privation de liberté subie par les suspects durant l’acheminement soit
placée sous le contrôle en temps réel[50] de
l’autorité judiciaire indépendante des parties et de l’exécutif[51].
Un tel raisonnement, fondé sur l’article 5 § 1er, pouvait en
conséquence être étendu aux différents cas d’arrestation. Cependant, le même arrêt
de Section avait refusé, sur le fondement de l’article 5 § 3, de
tenir compte du défaut de contrôle de l’autorité judiciaire en temps réel, dans
son contrôle de la durée de l’acheminement jusqu’à la présentation du suspect,
position critiquée dans une opinion partiellement dissidente[52]. Si
désormais le refus d’intégrer le magistrat parquet dans l’« autorité judiciaire » au sens de la
Convention a été largement confirmée par la jurisprudence européenne[53],
ce qui l’empêche donc d’être le juge de l’Habeas
corpus de l’article 5 § 3[54], la
Cour a ultérieurement abandonné toute exigence de contrôle en temps réel par un
magistrat, dépendant ou indépendant, de la détention du suspect, d’abord
implicitement[55],
puis explicitement[56],
pour le cas particulier du suspect arrêté lors des opérations étrangères
commises à l’étranger[57]
ou pour la garde à vue de droit commun[58] :
la capacité du magistrat du parquet français à exercer le contrôle de la
détention du suspect en droit national, dans les limites constitutionnelles[59],
n’est donc pas remise en cause, dès lors que l’Habeas corpus, réservé au juge judiciaire – ou donc, au magistrat
judiciaire indépendant -, est suffisamment prompt[60].
Les derniers arrêts européens Hassan et
Ali Samatar n’imposent pas plus
l’exigence d’un contrôle judiciaire en temps réel de la privation de liberté
des suspects pendant l’acheminement. La Cinquième section ne cesse pourtant de
se référer à la décision Rigopoulos[61],
celle-ci apparaissant comme une référence essentielle en la matière, rappelant
que dans cette espèce, les suspects, durant leur acheminement, se trouvaient
« sous le contrôle du tribunal
central d’instruction de Madrid, une juridiction d’instruction spécialisée et
indépendante de l’exécutif, qui avait effectivement procédé à un contrôle
juridictionnel de cette privation de liberté »[62].
Si cette assertion lui sert pour l’instant uniquement à contrôler la célérité
de la présentation des suspects devant l’autorité judiciaire ultérieurement au
débarquement de ceux-ci sur le territoire national[63], une
évolution de la jurisprudence, au moins pour justifier un meilleur contrôle de
la nécessité de la durée de l’acheminement en cas de défaut de contrôle
judiciaire en temps réel, n’est pas à exclure[64].
5.
La reconnaissance de l’aptitude du juge d’instruction français à l’exercice de
l’Habeas corpus européen. La
Cour européenne des droits de l’Homme situe au moment de l’arrestation des
suspects étrangers par les forces militaires le point de départ du délai lui
servant à apprécier la célérité de l’Habeas
corpus, dans une appréciation factuelle de la « juridiction »[65]
des États[66],
dès lors que celles-ci ont constamment réalisées les mesures contraignantes,
sans égard pour les différents accords interétatiques intervenus
postérieurement[67]
ou l’extranéité de l’intervention des forces militaires, dans une solution
évidemment protectrice. Quant au terme du délai, si la solution ressortait déjà
implicitement de l’arrêt de Grande chambre Medvedyev[68],
les arrêts Ali Samatar et Hassan ont plus explicitement qualifié
le juge d’instruction comme « un
juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires »[69] :
la présentation des suspects devant le
magistrat français, au terme de la garde à vue des suspects, consomme, au sens
de la Convention, l’Habeas corpus[70]. Une
telle solution rappelle les exigences relatives de l’Habeas corpus, puisque la Cour européenne des droits de l’Homme
n’impose donc pas la séparation de la fonction d’instruction de celle du
contrôle de l’atteinte à la liberté individuelle. De manière plus contestable
encore, la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt Vassis a situé l’Habeas corpus à l’intervention du juge des libertés et de la
détention, qui avait prolongé la garde à vue des suspects au bout de quarante-huit
heures[71],
et par analogie, la présentation du suspect au juge d’instruction pour
prolonger la garde à vue pourrait également le constituer. Dans une telle
conception admettant de situer l’Habeas
corpus à l’intérieur de la garde à vue, l’appréciation de la célérité de l’Habeas corpus ne servirait donc pas à cantonner
la durée de la mesure privative de liberté servant aux investigations
policières, mais pourrait servir à la prolonger, sans qu’on sache dès lors
qu’elle pourrait être sa limite maximale, en tout cas pas le délai abstrait de
quatre jours dans lequel est enserré la traduction du suspect devant l’autorité
judiciaire[72].
L’arrêt Vassis n’est d’ailleurs pas
le premier à porter cette ambiguïté[73]. Pourtant,
de nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme ont pourtant directement
relié l’appréciation de la célérité de l’Habeas
corpus avec la limitation de la durée de la garde à vue[74].
L’arrêt Vassis lui-même réalisait en
même temps un apport important quant à l’encadrement de la durée de la garde à
vue[75].
Sans doute la Cour devrait‑elle plus précisément doter un critère finaliste à
l’Habeas corpus, celui-ci devant
s’entendre de l’intervention judiciaire permettant la transformation de la
privation de liberté dans une autre forme, ne pouvant en tout cas plus servir
aux nécessités de l’enquête, soit, pour un exemple du droit national, le
défèrement devant le juge d’instruction au terme de la garde à vue plutôt que
son intervention préalable pour prolonger la garde à vue, quand bien même elle
aurait donné lieu à une présentation.
6.
Le rejet de la validité du placement en garde à vue des suspects à leur
débarquement sur le territoire national. Si la durée de
l’acheminement est soumise à un contrôle limité de sa nécessité[76],
la durée séparant le débarquement sur le territoire national de la traduction
du suspect devant le juge fait l’objet d’un contrôle beaucoup plus strict, la
complexité à mener les opérations ou les contingences de la coopération
internationale disparaissant[77].
La Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt Vassis a ainsi établi que « sa jurisprudence relative à des délais de deux ou trois jours, pour
lesquels elle a pu juger que l’absence de comparution devant un juge n’était
pas contraire à l’exigence de promptitude, n’a pas pour finalité de permettre
aux autorités d’approfondir leur enquête et de réunir les indices graves et
concordants susceptibles de conduire à la mise en examen des requérants par un
juge d’instruction, au motif notamment qu’ils nieraient les faits qui leur sont
reprochés » et qu’« on ne
saurait donc en déduire une quelconque volonté de mettre à la disposition des
autorités internes un délai dont elles auraient la libre jouissance pour compléter
le dossier de l’accusation : en effet, le but poursuivi par l’article 5 § 3 de
la Convention est de permettre de détecter tout mauvais traitement et de
réduire au minimum toute atteinte injustifiée à la liberté individuelle afin de
protéger l’individu, par un contrôle automatique initial, et ce dans une
stricte limite de temps qui ne laisse guère de souplesse dans l’interprétation
»[78]. Dans
une analyse in concreto, la Cour
constatait que le placement en garde à vue des suspects immédiatement après leur
débarquement n’était pas nécessaire en l’espèce, dès lors que l’opération
militaire était « planifiée »
et que la durée d’acheminement des suspects permettait « de préparer leur arrivée »[79],
ce qui entraînait, pour ce seul motif, la violation de l’article 5 § 3,
du fait de la présentation tardive des suspects au juge ainsi caractérisée. Les
arrêts Hassan et Ali Samatar semblent en tout cas valider l’existence de nuances dans
la jurisprudence européenne, par considération égale dans ses développements
pour la décision Rigopoulos, dans
laquelle les suspects avaient l’objet d’un contrôle en temps réel de la
privation de liberté par l’autorité judiciaire, pour l’arrêt de Grande chambre Medvedyev, qui avait admis, entre le
débarquement et la présentation, une garde à vue de huit à neuf heures, et pour
l’arrêt Vassis, ultérieur, qui sanctionnait
le recours à une longue garde à vue après le débarquement[80] :
dans une gradation, le contrôle judiciaire en temps réel de l’acheminement
pourrait justifier le recours à une longue garde à vue après le débarquement[81],
tandis qu’en son absence, seule une courte garde à vue serait possible[82]. Cependant,
les arrêts Hassan et Ali Samatar, qui ont retenu la violation
de la Convention pour ce même motif[83], tendent pourtant à établir pratiquement
in abstracto l’interdiction de placer
en garde à vue les suspects acheminés, alors que, dans ces cas, la durée du
transport ne dépassait pas une dizaine de jours, que les opérations militaires
avaient fait l’objet d’une planification moins aboutie et que la durée des gardes
à vue n’avait pas dépassé quarante-huit heures, autant de différences par
rapport aux faits de l’arrêt Vassis[84].
Une telle solution n’apparaît pas illogique, alors que les autorités ont estimé
en amont bénéficier de suffisamment d’éléments pour déclencher une opération
militaire et justifier l’acheminement des suspects sur plusieurs milliers de
kilomètres, malgré la complexité des opérations. Une telle solution apparaît
même s’inscrire plus largement dans le mouvement jurisprudentiel européen d’un
meilleur contrôle de l’opportunité de la garde à vue, qui a permis de
sanctionner la durée excessive de gardes à vue réalisées dans des circonstances
normales, par une analyse in concreto,
alors pourtant qu’elles n’avaient pas dépassé la limite abstraite de quatre
jours[85]. Plus
encore, lorsque l’acheminement est particulièrement long, c’est presqu’une
intervention immédiate du Tribunal que la Cour européenne devrait exiger, dès
lors que le recours de l’article 5 § 4 nait dès l’arrestation[86]
et que le bref délai s’entend en circonstance normale d’une quinzaine de jours[87],
plutôt que d’encore vérifier la qualité du premier contrôle judiciaire de la
privation de liberté sur le fondement de l’article 5 § 3[88].
Une telle position[89] contreviendrait
sans doute à la lettre de la Convention, pour imposer dans ce cas un recours
automatique au Tribunal sur le fondement de l’article 5 § 4 et pour perturber
la chronologie des interventions judiciaires prévue par le texte. Cependant, la
Cour a déjà déformé les caractéristiques du recours au Tribunal pour assurer un
meilleur contrôle judiciaire de la liberté individuelle[90]. C’est
qu’il reste des perspectives d’évolutions dans le contrôle européen de telles
arrestations et détentions, même après les arrêts Hassan et Ali Samatar,
qui ont surtout servi à stabiliser la jurisprudence européenne préexistante, en
conservant ses audaces et en maintenant ses retenues, alors que la réforme du
Code de la défense laisse espérer, en cet état, la sécurisation du droit français.
[1] CEDH, sect. V, 4 déc. 2014, Ali Samatar et autres c. France, req. nos
17110/10 et 17301/10.
Le voilier sous pavillon français Le
Ponant avait fait l’objet d’une prise d’otage le 4 avril 2008 par des
pirates somaliens dans le golfe d’Aden, à égale distance des côtes yéménites et
somaliennes, levée à la suite de la remise d’une rançon le 11 avril 2008. Par
note verbale en date du 5 avril 2008, le Gouvernement fédéral de transition
somalien autorisait les forces françaises « à prendre toutes les mesures nécessaires – y compris l’usage
proportionné de la force – dans le contexte de la crise ». Une
opération militaire française héliportée, menée sur le territoire somalien le
11 avril 2011, avait permis l’arrestation de six pirates et la récupération
d’une partie de la rançon, et les suspects, mis d’abord en détention sur un navire
français, avaient été ramenés sur le territoire national, après un transfert en
avion, le 16 avril 2008 vers 7 heures 15, et placés en garde. Le 15 avril 2008,
le gouvernement somalien avait donné son accord verbal pour le transfert des
suspects, accord confirmé dans une note en date du 18 avril 2008. Le 18 avril
2008, les suspects étaient présentés au juge d’instruction, puis placés en
détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.
[2]
CEDH,
sect. V, 4 déc. 2014, Hassan et autres c.
France, req. nos 46695/10
et 54588/10. Le 2 septembre 2008, un voilier français, le Carré d'As, avait été attaqué, encore
dans les eaux du golfe d'Aden par des pirates somaliens. Le 16 septembre 2008,
dans les eaux territoriales somaliennes, une opération militaire avait permis
d’arrêter six pirates, transférés sur une frégate française. Le 21 septembre
2008, les autorités somaliennes avaient, par note verbale, autorisé le
transfert vers la France des suspects. Acheminés par avion le 23 septembre
2008, les suspects avaient été placés en garde à vue dès leur arrivée sur le sol
français à 17 heures. Les suspects étaient présentés au Juge d’instruction le
25 septembre 2008, entre 18 h et 20 h, puis placés en détention provisoire.
[3]
CEDH,
sect. V, 10 juil. 2008, Medvedyev et
autres c. France, req. n° 3394/03 ; D., 2008, p. 3055, note P. Hennion-Jacquet ;
AJP, 2008, p. 469, obs. C. Saas. - CEDH,
gde ch., 29 mars 2010, Medvedyev et
autres c. France, req. n° 3394/03 : Rec. CEDH, 2010 ; D.,
2010, p. 1386, obs. S. Lavric ;
ibid., p. 1390, note P. Hennion-Jacquet ; ibid., p. 1386, note J.-F. Renucci ; ibid., p. 952, entretien P. Spinosi ;
ibid., p. 970, obs. D. Rebut ; AJDA, 2010, p. 648, obs. S. Brondel ;
RSC, 2010, p. 685, obs. J.‑P. Marguénaud. Le cargo le Winner,
battant pavillon du Cambodge et soupçonné de transporter une importante
cargaison de drogue, avait fait l’objet le 7 juin 2002 d’une note verbale du
ministre cambodgien des Affaires étrangères, autorisant l’intervention des
autorités françaises pour « intercepter,
contrôler et engager des poursuites judiciaires ». L’arraisonnement du
navire par un bâtiment de la marine militaire française avait eu lieu le 13
juin 2002, au large des îles du Cap vert. Après qu’un remorqueur eut été
dépêché de Brest pour permettre de dérouter le navire vers Brest, sans pouvoir
dépasser une vitesse supérieure à cinq nœuds, en raison de la vétusté du Winner, les membres de l’équipage
avaient été consignés dans les cabines de leur embarcation, sous la garde des
militaires. Le 26 juin 2002, à 8 h 45, le Winner était entré
dans le port de Brest, et les membres d’équipage furent placés en garde à
vue. Les 28 et 29 juin 2002, les requérants furent mis en examen et placés
sous mandat de dépôt.
[4]
CEDH,
27 juin 2013, sect. V, Vassis et
autres c. France, req. n° 62736/09 ; Gaz. Pal., 15 oct. 2013, p. 41, note F. Fourment ; ibid., 4 juil. 2013, p. 3, obs. C.
Kleitz ; AJP, 2013, p.
549, obs. G. Roussel ;
JCP, 2013, n° 843, obs. L.
Milano ; D., 2013, p. 1687, obs. O. Bachelet ; RSC, 2013, p. 656,
note D. Roets. Le 7 février 2008, le Junior, navire transportant une
cargaison de drogue, était intercepté en mer au sud-ouest de Konakry. Les 8 et
9 février, les autorités panaméennes, dont le navire battait pavillon,
autorisaient les forces françaises à arraisonner le navire et à procéder à sa
visite, et actaient un transfert juridictionnel au profit de la France. Le 25
février 2008, après déroutage, le navire, sur lequel étaient détenus les
suspects, arrivait à Brest, où les suspects étaient placés en garde à vue. Ils
avaient été présentés au juge d’instruction le 29 février 2008.
[5]
L’article 5 § 1er impose que la privation de liberté respecte les
« voies légales ».
[6]
La Convention des Nations Unies de Montego Bay du 15 décembre 1982 sur le
droit de la mer, de manière générale, prévoit à son article 108 que « tout État qui a de sérieuses raisons de
penser qu’un navire battant son pavillon se livre au trafic illicite de stupéfiants
ou de substances psychotropes peut demander la coopération d’autres États pour
mettre fin à ce trafic ». La disposition était cependant estimée
inapplicable en l’espèce par la Cour européenne des droits de l’Homme, car
l’État pavillon du Winner, le
Cambodge, n’était pas partie à la Convention [Medvedyev, gde ch. : préc. ;
§ 84 et s.]. La Cour européenne des droits de l’Homme écartait aussi
l’application de l’article 110 de la même Convention, concernant la faculté
d’arraisonner le navire refusant d’arborer son pavillon, notant que celui du Winner, identifié par de nombreuses
surveillances, était connu avant l’arraisonnement [ibid., § 88 et s.]. La Cour européenne écartait enfin l’application
des règles législatives nationales définissant l’étendue de la compétence du
droit pénal français, dès lors que celles-ci ne sauraient s’opposer au principe
international de compétence de l’État du pavillon [ibid., § 90 et s.]. La Cour européenne des droits de l’Homme
reconnaissait toutefois, au regard de l’analyse des dispositions du Traité de
Montego Bay, mais également de celles de la Convention des Nations Unies de
Vienne du 20 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes, la capacité des États à coopérer en la matière dans
des formes diverses, admettant par principe qu’une « note verbale » entre la France et le Cambodge puisse fonder la
privation de liberté par principe, mais rejetant en l’espèce celle existante,
pour ne pas être assez précise quant au sort de l’équipage, notamment du fait
de l’absence de mention expresse prévoyant le recours à la détention, et pour
ne pas être assez prévisible, puisqu’elle ne résultait pas d’une pratique
courante entre les deux États [ibid.,
§ 95 et s.].
[7]
Voir J. Cazala, « L'adage male captus bene detentus face au droit
international » ; JDI,
2007, doctr. n° 8, ou plus spécialement sur l’extradition déguisée et son
contrôle lâche par la Cour européenne des droits de l’Homme à une époque plus
reculée, D. Rouget, « Le
respect du droit extraditionnel et les "extraditions
déguisées" » ; RTDH,
1999, p. 169.
[9] Cass. crim., 15 janv. 2003, n°
02-86.936 : Bull. crim., n° 12. La Chambre
criminelle fondait notamment la détention de l’équipage sur l’article 17 de la
Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes de Vienne du 20 décembre 1988, alors pourtant que
l’État du Cambodge, sous lequel le navire battait pavillon, n’était pas partie
à la Convention. La disposition de la Convention en cause restait de toute
manière bien trop générale pour être un fondement de qualité, notamment au
regard de son défaut de précision, celle-ci autorisant seulement les États à « arraisonner le navire », « visiter le navire » et « si des preuves de participation à un trafic
illicite sont découvertes, prendre les mesures appropriées à l’égard du navire,
des personnes qui se trouvent à bord et de la cargaison ». De la même
manière, la Cour de cassation s’appuyait sur la note verbale diplomatique,
davantage pour légitimer l’intervention française plutôt que l’arrestation et
la détention, fondement rejeté par la Cour européenne des droits de l’Homme dans
l’arrêt Medvedyev [gde ch., préc.].
[10]
Cass.
crim., 16 sept. 2009, n° 09-82.777 : inédit ; D., 2010, p. 631, note G.
Poissonnier ; JCP, 2010,
p. 184, note P. Beauvais. Le
pourvoi portait sur la qualité de la loi et notamment la capacité d’un acte de
gouvernement, c’est-à-dire la première note verbale en date du 5 avril 2011,
qui avait autorisé les forces françaises à user de la force, à servir de base
légale à l’arrestation des suspects survenue le 11 avril 2011 et à leur détention
subséquente, alors que c’est seulement l’accord verbal donné par le
gouvernement somalien, en date du 15 avril 2011, qui avait autorisé le
transfert des suspects vers la France. La Cour de cassation constatait
l’existence de « circonstances insurmontables, caractérisées par
l'attente de l'accord des autorités somaliennes en vue du transfert des six
suspects en France, [qui] justifiaient
leur privation de liberté pendant près de cinq jours, avant que leur placement
en garde à vue ne fût régulièrement ordonné ». Le raisonnement était
utile principalement à neutraliser la contestation de la présentation tardive,
plutôt que la critique de la qualité de la loi. Le raisonnement aboutissait opportunément
à ne pas s’intéresser à la première note diplomatique verbale, autorisant
pourtant l’opération militaire française, qui apparaissait comme le véritable
fondement de l’arrestation, et permettait à la Cour de ne pas se prononcer sur
l’existence d’un contrôle juridictionnel de l’accord international ad hoc, notamment au regard de la
théorie des actes de gouvernement, comme de ne pas se confronter directement à
la jurisprudence européenne, qui, dans l’arrêt Medvedyev [gde ch. : préc.],
avait écarté une telle base légale, au regard de son défaut de précision et de
prévisibilité, appréciée in concreto.
[11] Cass. crim., 29 avr. 2009, n°
09-80.157 : Bull. crim., n° 83 ; RSC, 2009, p. 853, obs. R. Finieltz ;
D., 2010, p. 187, note G. Poissonnier ; AJP, 2009, p. 273, obs. G. Royer. La chambre criminelle
admettait que la flagrance permettait aux militaires français de réaliser une
retenue provisoire de l’équipage d’un navire suspect, dans l’attente de
l’obtention de l’accord de l’État du pavillon du bâtiment, pour procéder aux
mesures contraignantes prévues par l’article 17 de la Convention de Vienne,
sans véritable contrôle, alors que la Convention ne prévoyait pas une telle
garde.
[12]
La Cour européenne des droits de l’Homme, dans l’affaire du Ponant [Ali Samatar : préc.]
et celle du Junior [Vassis : préc.], n’a pas étudié la légalité de la privation de liberté.
[13]
Hassan : préc.
[14]
Ce contrôle sévère de la base légale avait pourtant fait l’objet de critiques
dans l’opinion partiellement dissidente commune aux juges Costa, Casadevall, Birsan, Garlicki, Hajiyev,
Sikuta et Nicolau rendue
sous l’arrêt de Grande chambre Medvedyev.
[15]
En l’espèce, la résolution 1816 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations
unies le 2 juin 2008 autorisait les États dans les eaux territoriales
somaliennes « à utiliser […] d’une manière conforme à l’action autorisée
en haute mer en cas de piraterie en application du droit international
applicable, tous moyens nécessaires pour réprimer les actes de piraterie et les
vols à main armée ». La résolution permettait en conséquence de faire usage
des pouvoirs prévus par l'article 105 de la Convention de Montego Bay, la
disposition permettant à « tout État […], en
haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d'aucun État,
[de] saisir un navire ou un aéronef
pirate, ou un navire ou un aéronef capturé à la suite d'un acte de piraterie et
aux mains de pirates, et [d’] appréhender
les personnes et [de] saisir les
biens se trouvant à bord ». V. à l’inverse pour la disqualification d’une
résolution des Nations Unies à fonder la base légale de la privation de
liberté, dès lors qu’elle ne prévoit pas précisément au recours à une mesure de
cette nature, pour autoriser simplement la création d’« une force multinationale, sous commandement
unifié, [autorisée] à prendre toutes
les mesures nécessaires pour contribuer au maintien de la sécurité et de la stabilité
en Irak », CEDH,
gde ch., 7 juil. 2011, Al-Jedda c.
Royaume-Uni, req. n° 27021/08 : Rec. CEDH, 2011 ; AJDA,
2012, p. 143, chron. L. Burgorgue-Larsen.
[16]
Seul l’article
L. 1521-5 du Code de la défense prévoyait le recours à des mesures
contraignantes, autorisant, sans autre précision, le « déroutement » du navire. L’arrêt Medvedyev a toutefois entraîné une modification de la législation [loi
n° 2011-13 du 5 janv. 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à
l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer : J. O., 6 janv. 2011, p. 374 ; AJP, 2012, p. 578, comm. P.-É. Brouté et M. Jacquot ; Dr.
pén., 2011, ét. n° 5, comm. M. Recio]
pour assurer le meilleur encadrement de la privation de liberté prise afin
d’« assurer le respect des
dispositions qui s'appliquent en mer en vertu du droit international ainsi que
des lois et règlements de la République » [art.
L. 1521-11 et s. du Code de la défense]. Les nouvelles dispositions
organisent le droit des suspects privés de liberté à bénéficier d’un examen
médical [art.
1521-13 CD], et l’intervention du juge des libertés et de la détention, au
bout de quarante-huit heures, pour prolonger la privation de liberté pour une
durée de cent-vingt heures, procédure renouvelable tant que la mesure de
contrainte reste nécessaire afin d’assurer la traduction des individus sur le
territoire national [art.
1521-14 CD].
[17]
Hassan : préc. ; § 69.
[18] Cass. crim., 17 févr. 2010, n°
09-87.254 : Bull. crim., n° 32 ; AJP, 2010, p. 292, obs. G. Roussel ; Procédures, 2010, comm. n° 194 ; obs. A.-S. Chavent-Leclère. La Cour de cassation s’était contentée du
contrôle de l’existence de la base légale de la privation de liberté, établie
dans un raisonnement similaire à la Cour européenne des droits de l’Homme, sans
s’intéresser à sa précision.
[20] CEDH, sect. II, 28 août 2012,
Simons c. Belgique, req. n° 71407/10,
déc. : D., 2012, p. 2644, comm. F. Fourment ;
JCP, 2012, n° 1221, note K. Blay-Grabarczyk.
[21]
CEDH,
ch., 25 juin 1996, Amuur c. France,
req. n° 19776/92 : Rec. CEDH,
1996-III ; RSC, 1997, p. 457,
obs. R. Koering-Joulin ; D., 1997, p. 203, obs. S. Perez.
[22]
Medvedyev, sect. V : préc. ; § 61.
[23]
Amuur : préc. ; § 53 : la loi « ne permettait au juge judiciaire de contrôler les conditions de séjour
des étrangers ni, au besoin, d’imposer à l’administration une limite à la durée
du maintien litigieux et ne prévoyait un accompagnement juridique, humanitaire
et social ni ne fixait les modalités et les délais d’accès à une telle
assistance afin que soient assurées les démarches des demandeurs d’asile ».
[24]
Hassan : préc. ; § 71.
[25]
V. sur les exigences européennes quant au contrôle de l’article 5 § 3, les
développements consacrés par la Grande chambre pour synthétiser la
jurisprudence européenne sur ce point dans l’arrêt Medvedyev [préc.].
[32] Art. 5 § 4 CEDH.
[33]
Art. 5 § 3 CEDH.
[34]
Art. 5 § 4 CEDH.
[35]
V. par ex. CEDH,
gde ch., 29 mars 2001, D. N. c. Suisse,
req. n° 27154/95 : Rec. CEDH,
2001-III
[36]
L’article 5 § 3 ne suppose pas, en principe, que le suspect soit assisté d’un
avocat lors de la présentation devant l’autorité judiciaire [CEDH,
ch., 4 déc. 1979, Schiesser c. Suisse,
req. n° 7710/76 : Rec. CEDH,
série A, n° 34 ; § 36 – CEDH,
sect. V, 6 mars 2012, Marzohl c.
Suisse, req. n° 24895/06, déc.].
[37]
CEDH,
sect. IV, 23 juin 2009, Oral et Atabay c.
Turquie, req. n° 39686/02 ; § 43 : une « période de garde à vue dépassant quatre jours est prima facie trop longue, même dans un contexte de lutte
contre le terrorisme ». Hassan :
préc. ; § 89 : « [le] contrôle [imposé par l’article 5 § 3] doit en tout cas intervenir dans un délai
maximum de quatre jours après l’arrestation, sauf « circonstances tout à fait
exceptionnelles ». – V. pour une formulation identique à la citation
précédente, Ali Samatar : préc. ; § 45.
[39]
Ibid. La Cour notait pour établir sa
conclusion qu’une distance de 5.500 km séparait le lieu d’arrestation de celui
de la présentation, que les suspects avaient opposé une résistance lors de
l’arraisonnement de leur navire, qui avait empêché son déroutement avant
quarante-trois heures, et que les suspects avaient ensuite été amenés par avion
à Madrid, après leur arrivée à Las Palmas,
et que le déroutement du navire vers l’île de l’Ascension, territoire
britannique, plutôt que vers les iles Canaries, pour permettre une traduction
plus rapide, avec l’aide des autorités britanniques, argument soutenu par les
requérants, était une possibilité peu « crédible ».
[40]
Medvedyev : préc. ; § 131. En l’espèce, les requérants avaient argué que la
réalisation du transport sur un navire de la marine nationale, plutôt que sur
le navire arraisonné et remorqué, aurait permis une présentation plus rapide.
[41]
V. l’opinion partiellement dissidente commune aux juges Tulkens, Bonnello, Zupancic, Fura, Spielmann, Tsotsoria, Power et
Poalelung ; § 8 et 9 : « Il nous semble qu’un certain nombre de pistes auraient été susceptibles
d’être envisagées par les autorités françaises afin d’assurer le respect des
droits reconnus aux requérants par l’article 5 § 3. Par exemple, dès lors que
l’aviso Lieutenant de vaisseau Le Hénaff avait appareillé de Brest avec pour
mission d’intercepter le Winner (repéré par les services américains, espagnols
et grecs, et suspecté de transporter une importante cargaison de drogue, donc
faisant l’objet d’une demande d’interception de l’Office central pour la
répression du trafic illicite des stupéfiants (« OCRTIS »), la nécessité d’une
intervention d’un magistrat, pendant ou juste après l’opération, était
raisonnablement prévisible. En conséquence, on aurait pu décider qu’un juge
embarque à bord de l’aviso à Brest, voire en Espagne comme ce fut le cas pour
les experts de l’OCRTIS. À défaut, les autorités auraient pu examiner la
possibilité de transférer les membres de l’équipage sur un navire militaire
(nous relevons à cet égard que le Lieutenant de vaisseau Le Hénaff n’a mis que
six jours depuis Brest pour rejoindre le Winner). Compte tenu de l’état du
navire, il est surprenant que les autorités en charge de l’opération aient décidé
de maintenir les membres de l’équipage du Winner sur ce dernier, au risque de
voir le délai de présentation à un juge durer exagérément. Par ailleurs, il ne
semble pas qu’on ait étudié la possibilité de les transporter en France par
voie aérienne, alors que cette option a déjà été utilisée par les autorités
françaises dans des affaires de piraterie et aurait pu être envisagée ici
aussi. »
[42]
Vassis : préc. ; § 55 et s. Concernant l’acheminement des suspects par
voie maritime qui avait duré dix-huit jours, l’étude du moyen choisi par l’État
était écartée du raisonnement de la Cour, et la possibilité de profiter de la
proximité des côtes sénégalaises pour permettre le transport en avion, ne
faisait pas l’objet d’une étude approfondie par celle-ci.
[43]
Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 131. - Vassis : préc. ; § 55.
[44]
Concernant le Ponant, les suspects
avaient été interpellés le 11 avril 2008 et débarqués en France le 16 avril
2008, après leur acheminement le même jour par avion. Concernant le Carré d’As, les suspects avaient été
interpellés le 16 septembre 2008 et débarqués en France le 23 septembre 2008,
après leur acheminement le même jour par avion.
[45]
Concernant le Ponant, l’accord avait
été donné le 15 avril 2008, et concernant le Carré d’As, l’accord avait été donné le 21 septembre 2008.
[46]
La Cour se référait à la recherche de « circonstances tout à faits exceptionnelles » [Ali Samatar : préc. ; § 54 – Hassan :
préc. ; § 99] ou encore à la
démonstration que l’acheminement n’avait pas duré « plus de temps que nécessaire » [Ali Samatar : préc. ;
§ 53 - Hassan : préc. ; § 97].
[47]
Ali Samatar : préc. ; § 53 et s. - Hassan : préc. : § 97
[48]
La durée d’acheminement était de six jours pour l’affaire du Ponant et de huit jours pour l’affaire
du Carré d’As.
[49]
Le même arrêt de Section, dans son examen de la qualité de la loi, avait
également imposé que la norme privative de liberté reconnaisse des droits au
profit de la personne arrêtée [v. supra,
n° 2].
[50]
Celui-ci, réalisé à distance, sans présentation de l’individu et sans
intervention de sa part, suppose que l’autorité judiciaire soit informée du
placement en privation de liberté et des grandes évolutions de l’affaire, pour
lui permettre à tout moment de commander la libération. Le Conseil
constitutionnel exige un tel contrôle de l’« autorité judiciaire », au sens de l’article 66 de la
Constitution, dans la matière de la détention du suspect [v. pour la garde
à vue, Cons. const.,
déc. n° 93-326 DC du 11 août 1993 portant sur la loi modifiant la loi n° 93‑2
du 4 janv. 1993 portant réforme du Code de procédure pénale : J. O., 15 août 1993,
p. 11599 ; RFD const.,
1993, p. 848, note Th. Renoux
et Cons. const., déc. n° 2010-14/22 QPC du 30
juil. 2010, [M. W.] :
J. O., 31 juil. 2010, p.
14198 ; RTD civ., 2010 p. 513,
obs. P. Puig ;
RSC, 2011, p. 139, obs. A. Giudicelli ; D., 2010, p. 2254, obs. J. Pradel ; AJP, 2010, p. 470, comm. J.‑B. Perrier ; Constitutions,
2010, p. 571, comm. E. Daoud
et E. Mercinier ; RSC, 2011, p. 165, obs. B. de Lamy – v. pour la
retenue aux fins de défèrement, Cons.
const., déc. n° 2010-80 QPC du 17 déc. 2010, [M. F.] : J. O., 19 déc. 2010, p.
22374 ; Constitutions, 2011, p.
525, note E. Daoud
et A. Talbot ; Procédures, 2011, comm. n° 73, obs.
J. Buisson et Cons.
const., déc. n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011, [M. L.] : J. O., 7 mai 2011, p. 7850 ; AJP, 2011, p. 471, obs. J.‑B. Perrier ;
Constitutions, 2011, p. 525, note E. Daoud et A. Talbot ; RSC,
2011, 415, obs. J. Danet ; Gaz. Pal., 24 mai 2011, p. 18, obs.
S. Detraz]. En revanche, le
contrôle en temps réel, dans la jurisprudence constitutionnelle, peut-être
effectué par le magistrat du siège ou le magistrat du parquet, celui-ci étant
également membre de l’« autorité
judiciaire » [v. par ex., déc. n° 2010-14/22 QPC du 30 juil. 2010,
[M. W.] : préc. ;
consid. n° 26]. Un tel contrôle n’a pas été étendu aux courtes privations de
liberté de police administrative [v. s’agissant du dégrisement, Cons.
const., déc. n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, [M. D.] : J. O., 9 juin 2012, p. 9796 ; Gaz. Pal., 5 juil. 2012, p.
11, comm. S. Detraz ; Constitutions, 2012, p. 479, obs. X. Bioy ; LPA, 25 mars 2013, p. 4,
chron. V. Tellier-Cayrol : « eu égard à la brièveté de cette privation de liberté organisée à des
fins de police administrative par les dispositions contestées, l’absence
d’intervention de l’autorité judiciaire ne méconnaît pas les exigences de
l’article 66 de la Constitution »].
[51]
La qualité de la loi privative de liberté de droit positif était écartée,
notamment, en ce que ses dispositions « [omettaient] de […] placer [la
personne suspecte] sous le contrôle d'une
autorité judiciaire » [Medvedyev,
sect. V : préc. ; § 61]. Le
placement des opérations sous le contrôle du procureur de la République ne satisfaisait
pas cette condition, dès lors que celui-ci « manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour
pouvoir être ainsi qualifié » [ibid.].
[52]
V. l’opinion partiellement dissidente de la juge Berro-Lefèvre, à laquelle se rallient les juges Lorenzen et Lazarova Trajkovska.
[53]
Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 124 : l’affirmation
figurait discrètement dans la partie sur l’exposé des principes généraux, la
Cour rappelant le défaut d’indépendance du magistrat pouvant devenir par la
suite partie, « à l’instar du
ministère public ». – CEDH,
sect. V, 23 nov. 2010, Moulin c. France,
req. n° 37104/06 : AJDA,
2011, p. 889, chron. L. Burgorgue-Larsen ;
D., 2011, p. 277, obs. J.-F. Renucci ; ibid., p. 338, obs. S. Lavric ; ibid., note J. Pradel ; ibid.,
p. 26, point de vue F. Fourment ;
RSC, 2011, p. 208, note D. Roets ; Dr. pénal, 2011, comm. n° 26, obs. A. Maron et M. Haas ; Procédures,
2011, comm. n° 30, note A.‑S. Chavent‑Leclère ;
Gaz. Pal., 9 déc.
2010, p. 6, note O. Bachelet ; JCP, 2010, n° 1206, obs. F. Sudre : la Cour montrait une
certaine prudence, refusant de désigner clairement les points défectueux du
magistrat français, pour s’éloigner du débat national sur l’éventuelle réforme
du parquet. –Vassis : préc.
– Hassan : préc. ;
§ 88. – Ali Samatar : préc. ; § 44.
[54]
Ce qui pouvait être déduit depuis longtemps de la jurisprudence européenne
concernant, notamment, le droit suisse [v. L. mortet,
Essai d’une théorie générale des
droits d’une personne privée de liberté, th., Nancy, 2014].
[55]
L’arrêt de Grande chambre Medvedyev n’employait
le défaut d’indépendance du parquetier français ni dans son raisonnement sur
l’article 5 § 1er ni sur celui sur l’article 5 § 3.
[56]
Vassis : préc. ; § 53 : « l’intervention
d’un membre du ministère public au début et pendant le déroulement de la garde
à vue ne soulève pas, en soi, de difficulté, pourvu que la personne gardée à
vue soit ensuite présentée à un “juge ou un autre magistrat habilité par la
loi à exercer des fonctions judiciaires” dans
un délai conforme aux exigences de l’article 5 § 3 ».
[57]
Le contrôle en temps réel d’une telle privation de liberté par le juge des
libertés et de la détention a été imposé par la réforme précitée du Code de la
défense [art.
1521-14 CD].
[58]
Vassis : préc. ; § 53. La Cour européenne des droits de l’Homme visait
plus largement la « garde à vue ».
[59]
L’intervention du magistrat du siège est nécessaire pour prolonger la garde à
vue au-delà de quarante-huit heures [Cons. const.,
déc. n° 80-127 DC des 19 et 20 janv. 1981 portant sur la loi renforçant la
sécurité et protégeant la liberté des personnes : J. O., 22 janv. 1981, p. 308 - Cons.
const., déc. n° 86-213 DC du 3 sept. 1986 portant sur la loi
relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’État
: J. O., 5 sept. 1986, p. 10786
; consid. n° 17. – déc. n° 93-326 DC du 11 août 1993 : préc. ; consid. n° 5 - Cons. const., déc. n° 2004-492 DC du
2 mars 2004 relative à la loi portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité
: J. O., 10 mars 2004, p.
4637 ; RSC, 2005, p. 122, comm. V. Bück ; D., 2004, p. 956, note M. Dobkine ;
RSC, 2004, p. 725, comm. Ch. Lazerges ; JCP, 2004, II, n° 10048, obs. J.‑C. Zarka ; consid. n° 25. –déc. n° 2010-14/22 QPC du 30 juil.
2010 : préc. ; consid. n°
26]. En cas de garde à vue d’une durée moindre, le magistrat du parquet
reste compétent pour assurer le contrôle de la rétention aux fins de défèrement
lui succédant [déc. n° 2010-80 QPC du 17 déc. 2010 : préc.].
[60]
V. sur ce point, infra, n° 6.
[61]
Préc.
[62]
Vassis : préc. ; 57. - Hassan : préc. ; § 96. – Ali
Samatar : préc. ; § 52.
[63]
V. infra, n° 6.
[64]
On notera d’ailleurs, dans l’arrêt Hasan,
quant à l’appréciation de la qualité de la loi, que la Cour prenait soin de
citer une circulaire nationale, prise après la réforme du Code de la défense,
admettant que le droit antérieur « ne
prévoyait pas expressément la possibilité d’une privation de liberté
précisément définie et encadrée par un régime “adéquat”, sous le contrôle d’un magistrat du siège
» [§ 70].
[65]
Art. 1er CEDH : « Les
Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur
juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention. »
[66]
Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 61 : « partant, la Cour considère que, compte tenu
de l’existence d’un contrôle absolu et exclusif exercé par la France, au moins
de facto, sur le Winner et son équipage dès l’interception du navire, de
manière continue et ininterrompue, les requérants relevaient bien de la
juridiction de la France au sens de l’article 1 de la Convention ». – Hassan : préc. ; § 39. – Ali
Samatar : préc. ; § 31.
[67]
La Cour de cassation a adopté la même analyse, censurant la Chambre d’instruction
qui avait déterminé que les suspects s’étaient trouvés sous « juridiction » française uniquement
après l’accord du gouvernement somalien pour transférer les individus [Cass.
crim., 16 sept. 2009, n° 09-82.777 : inédit ; D., 2010, p. 631, note G. Poissonnier ;
JCP, 2010, p. 184, note P. Beauvais].
[68]
Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 132 et s.
[69]
V. Ali Samatar : préc. ; § 44, ou, pour une citation
identique, Hassan : préc. ; § 87 et s. : les
suspects « n’ont été traduits devant
une autorité de ce type [ndla : la Cour vise ici « un juge ou un autre magistrat habilité par
la loi à exercer des fonctions judiciaire »] qu’au moment de leur présentation au juge d’instruction ».
[70]
V. pour une solution identique, Moulin :
préc.
[71]
Vassis : préc. ; § 58 : « les
requérants n’ont finalement comparu pour la première fois devant un “juge
ou un autre magistrat”, au sens autonome
de l’article 5 § 3 de la Convention, en l’espèce un JLD [sic],
qu’après un délai supplémentaire d’environ quarante-huit heures ».
[72]
V. supra, n° 3.
[73]
V. Moulin : préc. Pour étudier le respect de l’article 5 § 3, la Cour avait
étudié dans cette affaire toute intervention du juge judiciaire pendant la
garde à vue, comme si celle-ci était de nature à constituer l’Habeas corpus. La Cour notait alors que
la prolongation de la garde à vue décidée par le juge d’instruction ne pouvait
constituer la traduction devant le juge de l’article 5 § 3, dès lors qu’elle
s’était réalisée sans présentation. La perquisition réalisée par les magistrats
instructeurs en compagnie du suspect ne pouvait non plus constituer l’Habeas corpus, dès lors que la question
de la légalité de la privation de liberté n’avait pas été posée au regard des
procès‑verbaux.
[74]
Ces arrêts étudient la célérité de l’Habeas
corpus dans une partie intitulée « sur
la durée de la garde à vue » [v. par exemple, parmi de nombreux autres
arrêts contre la Turquie, CEDH,
sect. I, 3 juin 2004, Bati et autres c.
Turquie, req. nos 33097/96 57834/00 ; § 150 et s.].
Dans l’arrêt de la Grande chambre Medvedyev,
celle-ci a aussi étudié sous l’angle de l’article 5 § 3, pour savoir si les
suspects avaient été traduits « aussitôt »
depuis leur débarquement, « la durée
de leur garde à vue avant leur traduction devant un juge » [Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 133].
[75]
V. infra, n° 6.
[76]
V. supra, n° 3.
[77]
De manière caricaturale, la Grande chambre, dans l’arrêt Medvedyev, soumettait, après avoir examiné séparément la durée de
l’acheminement, la durée entre le débarquement et la présentation au respect de
« la notion “d’aussitôt
traduit” » selon les termes même de la Cour, comme si sa jurisprudence traditionnelle
sur l’article 5 § 3 s’appliquait à partir du débarquement : une telle
solution, en principe, était de nature à autoriser l’État à appliquer, après le
débarquement, une garde à vue de quatre jours [Medvedyev, gde ch. : préc. ;
§ 132 et s.].
[78]
Vassis : préc. ; § 61.
[79]
Ibid., § 60.
[80]
V. pour la même citation Hassan :
préc. ; § 91 et Ali Samatar : préc. ; § 52 : « Elle
a en effet, d’une part, observé que la privation de liberté subie par le
requérant Rigopoulos s’était déroulée sous le contrôle du tribunal central
d’instruction de Madrid, une juridiction d’instruction spécialisée et
indépendante de l’exécutif, qui avait effectivement procédé à un contrôle
juridictionnel de cette privation de liberté. D’autre part, elle a noté que,
dans l’affaire Medvedyev et autres, les requérants avaient été rapidement
présentés aux juges d’instruction en charge de la procédure à l’issue de la
traversée, à savoir entre huit et neuf heures après le début de leur garde à
vue en France. Dans l’affaire Vassis et autres, la garde à vue d’une durée
d’environ quarante-huit heures avait succédé à la privation de liberté subie
par les requérants à bord de leur navire, ce qui avait retardé d’autant leur
traduction devant « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer
des fonctions judiciaires ».
[81]
La Cour européenne des droits de l’Homme, dans son arrêt Vassis, justifiait son
refus d’admettre une longue garde à vue après le débarquement par le défaut de
contrôle judiciaire en temps réel durant l’acheminement [Vassis : préc. ;
§ 60 : « non seulement un tel
délai [d’acheminement], sans contrôle
juridictionnel, prive de justification la garde à vue de quarante-huit heures à
laquelle les requérants ont ensuite été soumis mais, en outre, il constitue une
circonstance particulière rendant l’exigence de promptitude, prévue à l’article
5 § 3 de la Convention, plus stricte que lorsque le début de la garde à vue
coïncide avec la privation de liberté »].
[82]
Dans l’affaire Medvedyev, les
suspects avaient été placés en garde à vue à 8 h 45, soit un horaire permettant
une présentation immédiate devant le juge judiciaire.
[83]
Ali Samatar : préc. : § 56 et s. – Hassan : préc. ; § 101 et s.
[84]
La réforme du Code de la défense semble désormais interdire, dans de tels cas,
un placement en garde à vue immédiatement après le débarquement [art.
L. 1521-18 CD : « Dès leur
arrivée sur le sol français, les personnes faisant l'objet de mesures de
coercition sont mises à la disposition de l'autorité judiciaire. »].
[85]
CEDH,
sect. V, 6 nov. 2008, Kandzhov c.
Bulgarie, req. n° 68294/01, en angl. : l’arrêt concernait une
infraction de faible gravité. - CEDH,
sect. II, 3 févr. 2009, Ipek et autres c.
Turquie, req. nos 17019/02 et 30070/02, en angl. :
l’arrêt concernait des mineurs. - CEDH,
sect. IV, 15 oct. 2013, Gutsanovi c. Bulgarie, req. n°
34529/10 ; D., actu., 30 oct. 2013, obs. O. Bachelet : aucun acte d’enquête n’avait
été réalisé durant le deuxième et troisième jour de la garde à vue.- CEDH, sect. IV, 24 juin 2014, Petkov et Profirov c.
Bulgarie, req. nos 50027/08 et 50781/09, en angl. ;
v.
nos obs. : contrairement aux autres cas qui concernaient des mesures
de longue durée, les gardes à vue censurées en l’espèce n’avaient duré qu’environ
vingt‑quatre heures, et la sanction était justifiée par le défaut d’enquête
sérieuse réalisée durant celles-ci]. L’arrêt Vassis n’a pas été cité dans les arrêts postérieurs opérant ce
contrôle plus sévère de la nécessité ou de la proportionnalité de la garde à
vue.
[87]
V. pour la censure d’un délai de dix-sept jours concernant le premier contrôle
judiciaire de la détention extraditionnelle, CEDH,
sect. I, 9 janv. 2003, Kadem c. Malte,
recours n° 55263/00, en angl. ; § 43 et s.
[88]
On notera que dans l’affaire Hassan,
les requérants avaient soulevé une violation de l’article 5 § 4, considérant
qu’ils auraient dû avoir accès à un Tribunal sur le fondement de l’article 5 §
4 en Somalie [Hassan : préc. ; § 107 et s.]. La
Cour, au motif que l’intervention du juge judiciaire exigée par l’article 5 § 3
est plus rapide – « aussitôt »
-, par rapport au recours de l’article 5 § 4 – à « bref délai » -, estimait qu’il n’y avait lieu de vérifier le
respect de cette dernière disposition dès lors qu’elle avait vérifié le respect
de la première.
[89]
L’adoption d’une telle solution a peu d’intérêt en droit français, dès lors que
la présentation devant le juge d’instruction au terme de la garde à vue, qui
constitue l’Habeas corpus, ouvre déjà
l’exercice des droits de la défense, et dépasse sur ce point le standard européen.
[90]
V. par exemple pour l’exigence d’une célérité accrue, équivalant à celle de
l’article 5 § 3, concernant l’intervention du Tribunal, lorsque celle-ci
réalise le premier contrôle juridictionnel de la privation de liberté, en
dehors, donc, du cas du suspect, le seul à bénéficier dans le texte de la
Convention de l’Habeas corpus, CEDH,
sect. I, 26 juin 2014, Shcherbina c.
Russie, req. n° 41970/11, en angl. ; v. nos
obs.
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