mardi 9 décembre 2014

[obs.] La stabilité du contrôle européen de l’arrestation et de la détention des suspects d’actes de piraterie ou de transport de stupéfiants en mer réalisées par les forces militaires nationales en dehors du territoire (remarques sur les arrêts Ali Samatar et Hasan)


1. Bref retour sur les différentes affaires.  Pour la troisième[1] – affaire du Ponant - et la quatrième fois[2] – affaire du Carré d’As -, dans deux arrêts rendus le même jour, après les arrêts Medvedyev[3] - affaire du Winner - et Vassis[4] - affaire du Junior - qui avaient été remarqués, notamment – surtout ? - quant au rejet de considérer le magistrat du parquet français comme une « autorité judiciaire » au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, la Cour européenne de Strasbourg s’est donc prononcée sur la conventionnalité de l’arrestation et de la détention des suspects d’actes de piraterie ou de transport de stupéfiants en mer par les forces militaires françaises en dehors du territoire national. D’abord, le contrôle européen porte sur la légalité de la privation de liberté des suspects – arrestation et détention -, exigence ressortant de l’article 5 § 1er([5]), impliquant que la privation de liberté repose sur une base légale prévisible et précise, concernant des pratiques résultant de la coopération internationale des États et visant à lutter contre la grave criminalité. Ensuite le contrôle porte sur le respect de l’Habeas corpus, prévu par l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui impose que la personne suspectée soit « aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », concernant des cas où, nécessairement, le moment de la présentation du suspect devant le juge se trouve fortement décalée du moment de l’arrestation, du fait de l’éloignement géographique séparant les deux lieux. Sans grande surprise, les deux derniers arrêts Ali Samatar et Hasan n’apparaissent pas novateurs, reprenant en grande partie les principes développés antérieurement par la jurisprudence européenne : celle-ci apparaît pour l’essentiel stabilisée, qu’il s’agisse de l’analyse rigoureuse de l’existence d’une base légale prévisible et précise à la privation de liberté (n° 2), qu’il s’agisse du maintien d’une marge d’appréciation dans le contrôle de la célérité de l’acheminement des suspects sur le territoire (n° 3), qu’il s’agisse du refus d’imposer un contrôle en temps réel par l’autorité judiciaire de la détention des suspects (n° 4), qu’il s’agisse de la reconnaissance de l’aptitude du juge d’instruction français à l’exercice de l’Habeas corpus (n° 5), ou qu’il s’agisse enfin du rejet de la validité du placement en garde à vue des suspects à leur débarquement sur le territoire national (n° 6).
2. L’analyse rigoureuse de l’existence d’une base légale précise et prévisible à la privation de liberté. L’arrêt de Grande chambre Medvedyev, confirmant sur ce point la Section, a effectué un contrôle plutôt rigoureux de l’existence de la base légale, de sa prévisibilité et de sa précision, concluant à son défaut[6], malgré le domaine de collaboration internationale des États et le domaine de criminalité concerné, rejetant en la matière l’adage Male captus, bene detentus[7], quand bien même la Cour regrettait explicitement « que la lutte internationale contre le trafic de stupéfiants en haute mer ne soit pas mieux coordonnée »[8]. La Cour de cassation, saisie de l’affaire du Winner[9], du Ponant[10] et du Junior[11], s’est montrée à chaque fois moins rigoureuse quant au contrôle de la base légale[12]. La Cour européenne des droits de l’Homme dans l’affaire du Carré d’As[13] a maintenu un niveau élevé de contrôle de la légalité de la base légale[14]. Si la privation de liberté peut reposer sur une résolution de l’Organisation des nations Unies préalable, dès lors que, par renvoi, la possibilité de priver de liberté l’équipage est expressément prévue par la disposition[15], encore faut-il que celle-ci soit suffisamment précise. La Cour jugeait les dispositions applicables, celles internationales et nationales, trop générales[16], dès lors qu’« aucune règle définissant les conditions de la privation de liberté susceptible de leur être ensuite imposée dans le but de les conduire devant l’autorité judiciaire compétente » n’était prévue par celles-ci[17]. La Cour européenne des droits de l’Homme se montrait de nouveau plus rigoureuse que la Chambre criminelle dans la même affaire, alors pourtant que le contrôle de cette dernière était apparu ici plus poussé par rapport aux précédents déjà cités[18]. Cependant, la Cour européenne des droits de l’Homme restait silencieuse quant aux défauts de la loi française dans l’arrêt Hassan, alors qu’elle avait été plus explicite dans l’arrêt de Section Medvedyev, pour stigmatiser l’absence de la consécration de droits aux suspects durant leur acheminement, « notamment quant aux possibilités pour les intéressés de contacter un avocat ou des proches »[19]. Un tel apport n’avait déjà pas été repris par l’arrêt de Grande chambre Medvedyev, tandis que depuis, une décision de la Cour a exclu de tirer de l’article 5 §1er un droit pour la personne privée de liberté de bénéficier de l’assistance d’un avocat dès l’arrestation[20]. L’arrêt Hassan semble donc confirmer l’abandon de l’apport de l’arrêt de Section Medvedyev. On notera cependant que dans le dernier état de sa jurisprudence, la Cour fait toujours référence à son arrêt Amuur[21], qui avait aussi été utilisé par la Cinquième section dans l’arrêt Medvedyev[22] et dont l’apport débordait déjà vers l’obligation d’inscrire dans la loi, en plus de la définition de la durée de la privation de liberté et de son régime, des droits protecteurs au profit de la personne arrêtée[23]. D’ailleurs, la formulation retenue par l’arrêt Hassan, mettant à la charge de l’État l’obligation d’un « système juridique » offrant « une protection suffisante contre les atteintes arbitraires au droit à la liberté »[24], est de nature à permettre de réintégrer l’apport de l’arrêt de Section Medvedyev.
3. Le maintien d’une marge d’appréciation dans le contrôle de la célérité de l’acheminement des suspects sur le territoire. L’Habeas corpus européen de l’article 5 § 3[25], limité au suspect, suppose une présentation automatique[26] et prompte[27] de celui-ci à un « magistrat [présentant] les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties »[28], permettant d’« examiner les questions de régularité [de l’arrestation et de la détention] et celle de savoir s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne arrêtée a commis une infraction »[29], après que le suspect a été « entendu »[30], et le magistrat doit « avoir le pouvoir d’ordonner l’élargissement »[31]. L’Habeas corpus se distingue donc du recours en légalité de la privation de liberté ouvert par l’article 5 § 4, celui-ci étant réservé à l’initiative de la personne privée de liberté, bénéficiant d’une célérité moindre - à « bref délai »[32] plutôt qu’« aussitôt »[33] -, et relevant du « Tribunal »[34], c’est-à-dire d’un organe juridictionnel statuant dans le respect des grandes garanties du procès équitable[35], dépassant la simple présentation à l’autorité judiciaire[36]. La Cour européenne des droits de l’Homme, au fil de sa jurisprudence, a établi un délai maximal de quatre jours, partant de l’arrestation et dans lequel doit avoir lieu la présentation du suspect à l’autorité judiciaire, son dépassement, dans des circonstances normales, entraînant une violation de la Convention dans un raisonnement in abstracto[37]. Avant même les affaires françaises, la Cour avait déjà admis qu’un délai de seize jours séparant l’arrestation de suspects en haute-mer et leur présentation devant l’autorité judiciaire nationale ne violait pas la célérité de l’Habeas corpus[38], compte‑tenu des « circonstances tout à fait exceptionnelles » de l’affaire, permettant d’établir « une impossibilité matérielle d’amener physiquement le requérant devant le juge d’instruction dans un délai plus court »[39]. Si le raisonnement de la Cour dans la décision Rigopoulos annonçait un contrôle plutôt sévère et in concreto de la diligence des autorités nationales à assurer prestement l’acheminement des suspects vers le territoire national, l’affaire Medvedyev a permis de concéder une marge d’appréciation aux États, alors que les suspects avaient été transportés par voie maritime sur le navire arraisonné, remorqué à faible allure au regard de son délabrement, si bien que leur acheminement avait duré treize jours. La Grande chambre ne contrôlait pas véritablement le déroulement des opérations entre l’arraisonnement et le début du déroutement et établissait qu’il ne lui appartenait pas de contrôler le moyen d’acheminement choisi par l’État, dès lors qu’il ne lui revient pas d’étudier « la faisabilité » d’une solution plus rapide[40]. La marge d’appréciation ainsi concédée, critiquée dans une opinion partiellement dissidente[41], était maintenue dans l’arrêt Vassis pour un acheminement de dix-huit jours, alors que, de nouveau, les suspects avaient été transportés sur le navire arraisonné et que la possibilité de recourir à une collaboration internationale pour permettre une présentation plus rapide des suspect était rapidement éconduite par la Cour[42]. Il ne s’agit plus vraiment, pour reprendre les termes de la décision Rigopoulos, d’établir « une impossibilité matérielle d’amener physiquement le requérant devant le juge d’instruction dans un délai plus court », mais plutôt de démontrer que l’acheminement n’a pas duré « plus de temps que nécessaire »[43], selon les termes plus coulants des arrêts ultérieurs. Cette approche a été maintenue par la Cour européenne des droits de l’Homme dans les arrêts les plus récents, concernant cette fois-ci les affaires de piraterie du Ponant et du Carré d’As, pour des suspects acheminés, à la différence des affaires du Winner et du Junior, par avion. Si la durée d’acheminement était donc plus rapide, ne dépassant pas quelques jours[44], le délai de traduction était ralenti les deux fois par la détention préalable des suspects sur des navires français, le temps de l’obtention de l’accord du gouvernement somalien, pour autoriser le transport de ceux-ci en France[45]. Concernant ces affaires, la Cour reprenait les formulations employées dans ses raisonnements plus anciens, montrant l’application des mêmes principes[46], mais la diligence des autorités nationales pour organiser l’acheminement, en amont et en aval de l’obtention de son autorisation par l’État étranger, ne faisait pas l’objet d’un contrôle poussé, la Cour renvoyant, à chaque fois, de manière générale, aux difficultés administratives de l’État somalien ou encore à la nature complexe de telles opérations[47], alors pourtant que les durées d’acheminement des différentes affaires variaient de manière importante[48]. La marge d’appréciation retirée en matière de collaboration internationale quant au contrôle de la base légale de la privation de liberté était maintenue quant à sa mise à exécution.
4. Le refus d’imposer un contrôle en temps réel par l’autorité judiciaire durant la détention des suspects. L’arrêt Medvedyev de Section, tout en disqualifiant le magistrat du parquet français pour le réaliser, imposait, dans son étude de la qualité de la loi[49], que la privation de liberté subie par les suspects durant l’acheminement soit placée sous le contrôle en temps réel[50] de l’autorité judiciaire indépendante des parties et de l’exécutif[51]. Un tel raisonnement, fondé sur l’article 5 § 1er, pouvait en conséquence être étendu aux différents cas d’arrestation. Cependant, le même arrêt de Section avait refusé, sur le fondement de l’article 5 § 3, de tenir compte du défaut de contrôle de l’autorité judiciaire en temps réel, dans son contrôle de la durée de l’acheminement jusqu’à la présentation du suspect, position critiquée dans une opinion partiellement dissidente[52]. Si désormais le refus d’intégrer le magistrat parquet dans l’« autorité judiciaire » au sens de la Convention a été largement confirmée par la jurisprudence européenne[53], ce qui l’empêche donc d’être le juge de l’Habeas corpus de l’article 5 § 3[54], la Cour a ultérieurement abandonné toute exigence de contrôle en temps réel par un magistrat, dépendant ou indépendant, de la détention du suspect, d’abord implicitement[55], puis explicitement[56], pour le cas particulier du suspect arrêté lors des opérations étrangères commises à l’étranger[57] ou pour la garde à vue de droit commun[58] : la capacité du magistrat du parquet français à exercer le contrôle de la détention du suspect en droit national, dans les limites constitutionnelles[59], n’est donc pas remise en cause, dès lors que l’Habeas corpus, réservé au juge judiciaire – ou donc, au magistrat judiciaire indépendant -, est suffisamment prompt[60]. Les derniers arrêts européens Hassan et Ali Samatar n’imposent pas plus l’exigence d’un contrôle judiciaire en temps réel de la privation de liberté des suspects pendant l’acheminement. La Cinquième section ne cesse pourtant de se référer à la décision Rigopoulos[61], celle-ci apparaissant comme une référence essentielle en la matière, rappelant que dans cette espèce, les suspects, durant leur acheminement, se trouvaient « sous le contrôle du tribunal central d’instruction de Madrid, une juridiction d’instruction spécialisée et indépendante de l’exécutif, qui avait effectivement procédé à un contrôle juridictionnel de cette privation de liberté »[62]. Si cette assertion lui sert pour l’instant uniquement à contrôler la célérité de la présentation des suspects devant l’autorité judiciaire ultérieurement au débarquement de ceux-ci sur le territoire national[63], une évolution de la jurisprudence, au moins pour justifier un meilleur contrôle de la nécessité de la durée de l’acheminement en cas de défaut de contrôle judiciaire en temps réel, n’est pas à exclure[64].
5. La reconnaissance de l’aptitude du juge d’instruction français à l’exercice de l’Habeas corpus européen. La Cour européenne des droits de l’Homme situe au moment de l’arrestation des suspects étrangers par les forces militaires le point de départ du délai lui servant à apprécier la célérité de l’Habeas corpus, dans une appréciation factuelle de la « juridiction »[65] des États[66], dès lors que celles-ci ont constamment réalisées les mesures contraignantes, sans égard pour les différents accords interétatiques intervenus postérieurement[67] ou l’extranéité de l’intervention des forces militaires, dans une solution évidemment protectrice. Quant au terme du délai, si la solution ressortait déjà implicitement de l’arrêt de Grande chambre Medvedyev[68], les arrêts Ali Samatar et Hassan ont plus explicitement qualifié le juge d’instruction comme « un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires »[69] :  la présentation des suspects devant le magistrat français, au terme de la garde à vue des suspects, consomme, au sens de la Convention, l’Habeas corpus[70]. Une telle solution rappelle les exigences relatives de l’Habeas corpus, puisque la Cour européenne des droits de l’Homme n’impose donc pas la séparation de la fonction d’instruction de celle du contrôle de l’atteinte à la liberté individuelle. De manière plus contestable encore, la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt Vassis a situé l’Habeas corpus à l’intervention du juge des libertés et de la détention, qui avait prolongé la garde à vue des suspects au bout de quarante-huit heures[71], et par analogie, la présentation du suspect au juge d’instruction pour prolonger la garde à vue pourrait également le constituer. Dans une telle conception admettant de situer l’Habeas corpus à l’intérieur de la garde à vue, l’appréciation de la célérité de l’Habeas corpus ne servirait donc pas à cantonner la durée de la mesure privative de liberté servant aux investigations policières, mais pourrait servir à la prolonger, sans qu’on sache dès lors qu’elle pourrait être sa limite maximale, en tout cas pas le délai abstrait de quatre jours dans lequel est enserré la traduction du suspect devant l’autorité judiciaire[72]. L’arrêt Vassis n’est d’ailleurs pas le premier à porter cette ambiguïté[73]. Pourtant, de nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme ont pourtant directement relié l’appréciation de la célérité de l’Habeas corpus avec la limitation de la durée de la garde à vue[74]. L’arrêt Vassis lui-même réalisait en même temps un apport important quant à l’encadrement de la durée de la garde à vue[75]. Sans doute la Cour devrait‑elle plus précisément doter un critère finaliste à l’Habeas corpus, celui-ci devant s’entendre de l’intervention judiciaire permettant la transformation de la privation de liberté dans une autre forme, ne pouvant en tout cas plus servir aux nécessités de l’enquête, soit, pour un exemple du droit national, le défèrement devant le juge d’instruction au terme de la garde à vue plutôt que son intervention préalable pour prolonger la garde à vue, quand bien même elle aurait donné lieu à une présentation.
6. Le rejet de la validité du placement en garde à vue des suspects à leur débarquement sur le territoire national. Si la durée de l’acheminement est soumise à un contrôle limité de sa nécessité[76], la durée séparant le débarquement sur le territoire national de la traduction du suspect devant le juge fait l’objet d’un contrôle beaucoup plus strict, la complexité à mener les opérations ou les contingences de la coopération internationale disparaissant[77]. La Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt Vassis a ainsi établi que « sa jurisprudence relative à des délais de deux ou trois jours, pour lesquels elle a pu juger que l’absence de comparution devant un juge n’était pas contraire à l’exigence de promptitude, n’a pas pour finalité de permettre aux autorités d’approfondir leur enquête et de réunir les indices graves et concordants susceptibles de conduire à la mise en examen des requérants par un juge d’instruction, au motif notamment qu’ils nieraient les faits qui leur sont reprochés » et qu’« on ne saurait donc en déduire une quelconque volonté de mettre à la disposition des autorités internes un délai dont elles auraient la libre jouissance pour compléter le dossier de l’accusation : en effet, le but poursuivi par l’article 5 § 3 de la Convention est de permettre de détecter tout mauvais traitement et de réduire au minimum toute atteinte injustifiée à la liberté individuelle afin de protéger l’individu, par un contrôle automatique initial, et ce dans une stricte limite de temps qui ne laisse guère de souplesse dans l’interprétation »[78]. Dans une analyse in concreto, la Cour constatait que le placement en garde à vue des suspects immédiatement après leur débarquement n’était pas nécessaire en l’espèce, dès lors que l’opération militaire était « planifiée » et que la durée d’acheminement des suspects permettait « de préparer leur arrivée »[79], ce qui entraînait, pour ce seul motif, la violation de l’article 5 § 3, du fait de la présentation tardive des suspects au juge ainsi caractérisée. Les arrêts Hassan et Ali Samatar semblent en tout cas valider l’existence de nuances dans la jurisprudence européenne, par considération égale dans ses développements pour la décision Rigopoulos, dans laquelle les suspects avaient l’objet d’un contrôle en temps réel de la privation de liberté par l’autorité judiciaire, pour l’arrêt de Grande chambre Medvedyev, qui avait admis, entre le débarquement et la présentation, une garde à vue de huit à neuf heures, et pour l’arrêt Vassis, ultérieur, qui sanctionnait le recours à une longue garde à vue après le débarquement[80] : dans une gradation, le contrôle judiciaire en temps réel de l’acheminement pourrait justifier le recours à une longue garde à vue après le débarquement[81], tandis qu’en son absence, seule une courte garde à vue serait possible[82]. Cependant, les arrêts Hassan et Ali Samatar, qui ont retenu la violation de la Convention pour ce même motif[83], tendent pourtant à établir pratiquement in abstracto l’interdiction de placer en garde à vue les suspects acheminés, alors que, dans ces cas, la durée du transport ne dépassait pas une dizaine de jours, que les opérations militaires avaient fait l’objet d’une planification moins aboutie et que la durée des gardes à vue n’avait pas dépassé quarante-huit heures, autant de différences par rapport aux faits de l’arrêt Vassis[84]. Une telle solution n’apparaît pas illogique, alors que les autorités ont estimé en amont bénéficier de suffisamment d’éléments pour déclencher une opération militaire et justifier l’acheminement des suspects sur plusieurs milliers de kilomètres, malgré la complexité des opérations. Une telle solution apparaît même s’inscrire plus largement dans le mouvement jurisprudentiel européen d’un meilleur contrôle de l’opportunité de la garde à vue, qui a permis de sanctionner la durée excessive de gardes à vue réalisées dans des circonstances normales, par une analyse in concreto, alors pourtant qu’elles n’avaient pas dépassé la limite abstraite de quatre jours[85]. Plus encore, lorsque l’acheminement est particulièrement long, c’est presqu’une intervention immédiate du Tribunal que la Cour européenne devrait exiger, dès lors que le recours de l’article 5 § 4 nait dès l’arrestation[86] et que le bref délai s’entend en circonstance normale d’une quinzaine de jours[87], plutôt que d’encore vérifier la qualité du premier contrôle judiciaire de la privation de liberté sur le fondement de l’article 5 § 3[88]. Une telle position[89] contreviendrait sans doute à la lettre de la Convention, pour imposer dans ce cas un recours automatique au Tribunal sur le fondement de l’article 5 § 4 et pour perturber la chronologie des interventions judiciaires prévue par le texte. Cependant, la Cour a déjà déformé les caractéristiques du recours au Tribunal pour assurer un meilleur contrôle judiciaire de la liberté individuelle[90]. C’est qu’il reste des perspectives d’évolutions dans le contrôle européen de telles arrestations et détentions, même après les arrêts Hassan et Ali Samatar, qui ont surtout servi à stabiliser la jurisprudence européenne préexistante, en conservant ses audaces et en maintenant ses retenues, alors que la réforme du Code de la défense laisse espérer, en cet état, la sécurisation du droit français.





[1] CEDH, sect. V, 4 déc. 2014, Ali Samatar et autres c. France, req. nos 17110/10 et 17301/10. Le voilier sous pavillon français Le Ponant avait fait l’objet d’une prise d’otage le 4 avril 2008 par des pirates somaliens dans le golfe d’Aden, à égale distance des côtes yéménites et somaliennes, levée à la suite de la remise d’une rançon le 11 avril 2008. Par note verbale en date du 5 avril 2008, le Gouvernement fédéral de transition somalien autorisait les forces françaises « à prendre toutes les mesures nécessaires – y compris l’usage proportionné de la force – dans le contexte de la crise ». Une opération militaire française héliportée, menée sur le territoire somalien le 11 avril 2011, avait permis l’arrestation de six pirates et la récupération d’une partie de la rançon, et les suspects, mis d’abord en détention sur un navire français, avaient été ramenés sur le territoire national, après un transfert en avion, le 16 avril 2008 vers 7 heures 15, et placés en garde. Le 15 avril 2008, le gouvernement somalien avait donné son accord verbal pour le transfert des suspects, accord confirmé dans une note en date du 18 avril 2008. Le 18 avril 2008, les suspects étaient présentés au juge d’instruction, puis placés en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.
[2] CEDH, sect. V, 4 déc. 2014, Hassan et autres c. France, req. nos 46695/10 et 54588/10. Le 2 septembre 2008, un voilier français, le Carré d'As, avait été attaqué, encore dans les eaux du golfe d'Aden par des pirates somaliens. Le 16 septembre 2008, dans les eaux territoriales somaliennes, une opération militaire avait permis d’arrêter six pirates, transférés sur une frégate française. Le 21 septembre 2008, les autorités somaliennes avaient, par note verbale, autorisé le transfert vers la France des suspects. Acheminés par avion le 23 septembre 2008, les suspects avaient été placés en garde à vue dès leur arrivée sur le sol français à 17 heures. Les suspects étaient présentés au Juge d’instruction le 25 septembre 2008, entre 18 h et 20 h, puis placés en détention provisoire.
[3] CEDH, sect. V, 10 juil. 2008, Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03 ; D., 2008, p. 3055, note P. Hennion-Jacquet ; AJP, 2008, p. 469, obs. C. Saas. - CEDH, gde ch., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03 : Rec. CEDH, 2010 ; D., 2010, p. 1386, obs. S. Lavric ; ibid., p. 1390, note P. Hennion-Jacquet ; ibid., p. 1386, note J.-F. Renucci ; ibid., p. 952, entretien P. Spinosi ; ibid., p. 970, obs. D. Rebut ; AJDA, 2010, p. 648, obs. S. Brondel ; RSC, 2010, p. 685, obs. J.‑P. Marguénaud. Le cargo le Winner, battant pavillon du Cambodge et soupçonné de transporter une importante cargaison de drogue, avait fait l’objet le 7 juin 2002 d’une note verbale du ministre cambodgien des Affaires étrangères, autorisant l’intervention des autorités françaises pour « intercepter, contrôler et engager des poursuites judiciaires ». L’arraisonnement du navire par un bâtiment de la marine militaire française avait eu lieu le 13 juin 2002, au large des îles du Cap vert. Après qu’un remorqueur eut été dépêché de Brest pour permettre de dérouter le navire vers Brest, sans pouvoir dépasser une vitesse supérieure à cinq nœuds, en raison de la vétusté du Winner, les membres de l’équipage avaient été consignés dans les cabines de leur embarcation, sous la garde des militaires. Le 26 juin 2002, à 8 h 45, le Winner était entré dans le port de Brest, et les membres d’équipage furent placés en garde à vue. Les 28 et 29 juin 2002, les requérants furent mis en examen et placés sous mandat de dépôt.
[4] CEDH, 27 juin 2013, sect. V, Vassis et autres c. France, req. n° 62736/09 ; Gaz. Pal., 15 oct. 2013, p. 41, note F. Fourment ; ibid., 4 juil. 2013, p. 3, obs. C. Kleitz ; AJP, 2013, p. 549, obs. G. Roussel ; JCP, 2013, n° 843, obs. L. Milano ; D., 2013, p. 1687, obs. O. Bachelet ; RSC, 2013, p. 656, note D. Roets. Le 7 février 2008, le Junior, navire transportant une cargaison de drogue, était intercepté en mer au sud-ouest de Konakry. Les 8 et 9 février, les autorités panaméennes, dont le navire battait pavillon, autorisaient les forces françaises à arraisonner le navire et à procéder à sa visite, et actaient un transfert juridictionnel au profit de la France. Le 25 février 2008, après déroutage, le navire, sur lequel étaient détenus les suspects, arrivait à Brest, où les suspects étaient placés en garde à vue. Ils avaient été présentés au juge d’instruction le 29 février 2008.
[5] L’article 5 § 1er impose que la privation de liberté respecte les « voies légales ».
[6] La Convention des Nations Unies de Montego Bay du 15 décembre 1982 sur le droit de la mer, de manière générale, prévoit à son article 108 que « tout État qui a de sérieuses raisons de penser qu’un navire battant son pavillon se livre au trafic illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes peut demander la coopération d’autres États pour mettre fin à ce trafic ». La disposition était cependant estimée inapplicable en l’espèce par la Cour européenne des droits de l’Homme, car l’État pavillon du Winner, le Cambodge, n’était pas partie à la Convention [Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 84 et s.]. La Cour européenne des droits de l’Homme écartait aussi l’application de l’article 110 de la même Convention, concernant la faculté d’arraisonner le navire refusant d’arborer son pavillon, notant que celui du Winner, identifié par de nombreuses surveillances, était connu avant l’arraisonnement [ibid., § 88 et s.]. La Cour européenne écartait enfin l’application des règles législatives nationales définissant l’étendue de la compétence du droit pénal français, dès lors que celles-ci ne sauraient s’opposer au principe international de compétence de l’État du pavillon [ibid., § 90 et s.]. La Cour européenne des droits de l’Homme reconnaissait toutefois, au regard de l’analyse des dispositions du Traité de Montego Bay, mais également de celles de la Convention des Nations Unies de Vienne du 20 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, la capacité des États à coopérer en la matière dans des formes diverses, admettant par principe qu’une « note verbale » entre la France et le Cambodge puisse fonder la privation de liberté par principe, mais rejetant en l’espèce celle existante, pour ne pas être assez précise quant au sort de l’équipage, notamment du fait de l’absence de mention expresse prévoyant le recours à la détention, et pour ne pas être assez prévisible, puisqu’elle ne résultait pas d’une pratique courante entre les deux États [ibid., § 95 et s.].
[7] Voir J. Cazala, « L'adage male captus bene detentus face au droit international » ; JDI, 2007, doctr. n° 8, ou plus spécialement sur l’extradition déguisée et son contrôle lâche par la Cour européenne des droits de l’Homme à une époque plus reculée, D. Rouget, « Le respect du droit extraditionnel et les "extraditions déguisées" » ; RTDH, 1999, p. 169.
[8] Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 101.
[9] Cass. crim., 15 janv. 2003, n° 02-86.936 : Bull. crim., n° 12. La Chambre criminelle fondait notamment la détention de l’équipage sur l’article 17 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de Vienne du 20 décembre 1988, alors pourtant que l’État du Cambodge, sous lequel le navire battait pavillon, n’était pas partie à la Convention. La disposition de la Convention en cause restait de toute manière bien trop générale pour être un fondement de qualité, notamment au regard de son défaut de précision, celle-ci autorisant seulement les États à « arraisonner le navire », « visiter le navire » et « si des preuves de participation à un trafic illicite sont découvertes, prendre les mesures appropriées à l’égard du navire, des personnes qui se trouvent à bord et de la cargaison ». De la même manière, la Cour de cassation s’appuyait sur la note verbale diplomatique, davantage pour légitimer l’intervention française plutôt que l’arrestation et la détention, fondement rejeté par la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt Medvedyev [gde ch., préc.].
[10] Cass. crim., 16 sept. 2009, n° 09-82.777 : inédit ; D., 2010, p. 631, note G. Poissonnier ; JCP, 2010, p. 184, note P. Beauvais. Le pourvoi portait sur la qualité de la loi et notamment la capacité d’un acte de gouvernement, c’est-à-dire la première note verbale en date du 5 avril 2011, qui avait autorisé les forces françaises à user de la force, à servir de base légale à l’arrestation des suspects survenue le 11 avril 2011 et à leur détention subséquente, alors que c’est seulement l’accord verbal donné par le gouvernement somalien, en date du 15 avril 2011, qui avait autorisé le transfert des suspects vers la France. La Cour de cassation constatait l’existence de « circonstances insurmontables, caractérisées par l'attente de l'accord des autorités somaliennes en vue du transfert des six suspects en France, [qui] justifiaient leur privation de liberté pendant près de cinq jours, avant que leur placement en garde à vue ne fût régulièrement ordonné ». Le raisonnement était utile principalement à neutraliser la contestation de la présentation tardive, plutôt que la critique de la qualité de la loi. Le raisonnement aboutissait opportunément à ne pas s’intéresser à la première note diplomatique verbale, autorisant pourtant l’opération militaire française, qui apparaissait comme le véritable fondement de l’arrestation, et permettait à la Cour de ne pas se prononcer sur l’existence d’un contrôle juridictionnel de l’accord international ad hoc, notamment au regard de la théorie des actes de gouvernement, comme de ne pas se confronter directement à la jurisprudence européenne, qui, dans l’arrêt Medvedyev [gde ch. : préc.], avait écarté une telle base légale, au regard de son défaut de précision et de prévisibilité, appréciée in concreto.
[11] Cass. crim., 29 avr. 2009, n° 09-80.157 : Bull. crim., n° 83 ; RSC, 2009, p. 853, obs. R. Finieltz ; D., 2010, p. 187, note G. Poissonnier ; AJP, 2009, p. 273, obs. G. Royer. La chambre criminelle admettait que la flagrance permettait aux militaires français de réaliser une retenue provisoire de l’équipage d’un navire suspect, dans l’attente de l’obtention de l’accord de l’État du pavillon du bâtiment, pour procéder aux mesures contraignantes prévues par l’article 17 de la Convention de Vienne, sans véritable contrôle, alors que la Convention ne prévoyait pas une telle garde.
[12] La Cour européenne des droits de l’Homme, dans l’affaire du Ponant [Ali Samatar : préc.] et celle du Junior [Vassis : préc.], n’a pas étudié la légalité de la privation de liberté.
[13] Hassan : préc.
[14] Ce contrôle sévère de la base légale avait pourtant fait l’objet de critiques dans l’opinion partiellement dissidente commune aux juges Costa, Casadevall, Birsan, Garlicki, Hajiyev, Sikuta et Nicolau rendue sous l’arrêt de Grande chambre Medvedyev.
[15] En l’espèce, la résolution 1816 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 2 juin 2008 autorisait les États dans les eaux territoriales somaliennes « à utiliser […] d’une manière conforme à l’action autorisée en haute mer en cas de piraterie en application du droit international applicable, tous moyens nécessaires pour réprimer les actes de piraterie et les vols à main armée ». La résolution permettait en conséquence de faire usage des pouvoirs prévus par l'article 105 de la Convention de Montego Bay, la disposition permettant à « tout État […], en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d'aucun État, [de] saisir un navire ou un aéronef pirate, ou un navire ou un aéronef capturé à la suite d'un acte de piraterie et aux mains de pirates, et [d’] appréhender les personnes et [de] saisir les biens se trouvant à bord ». V. à l’inverse pour la disqualification d’une résolution des Nations Unies à fonder la base légale de la privation de liberté, dès lors qu’elle ne prévoit pas précisément au recours à une mesure de cette nature, pour autoriser simplement la création d’« une force multinationale, sous commandement unifié, [autorisée] à prendre toutes les mesures nécessaires pour contribuer au maintien de la sécurité et de la stabilité en Irak », CEDH, gde ch., 7 juil. 2011, Al-Jedda c. Royaume-Uni, req. n° 27021/08 : Rec. CEDH, 2011 ; AJDA, 2012, p. 143, chron. L. Burgorgue-Larsen.
[16] Seul l’article L. 1521-5 du Code de la défense prévoyait le recours à des mesures contraignantes, autorisant, sans autre précision, le « déroutement » du navire. L’arrêt Medvedyev a toutefois entraîné une modification de la législation [loi n° 2011-13 du 5 janv. 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer : J. O., 6 janv. 2011, p. 374 ; AJP, 2012, p. 578, comm. P.-É. Brouté et M. Jacquot ; Dr. pén., 2011, ét. n° 5, comm. M. Recio] pour assurer le meilleur encadrement de la privation de liberté prise afin d’« assurer le respect des dispositions qui s'appliquent en mer en vertu du droit international ainsi que des lois et règlements de la République » [art. L. 1521-11 et s. du Code de la défense]. Les nouvelles dispositions organisent le droit des suspects privés de liberté à bénéficier d’un examen médical [art. 1521-13 CD], et l’intervention du juge des libertés et de la détention, au bout de quarante-huit heures, pour prolonger la privation de liberté pour une durée de cent-vingt heures, procédure renouvelable tant que la mesure de contrainte reste nécessaire afin d’assurer la traduction des individus sur le territoire national [art. 1521-14 CD].
[17] Hassan : préc. ; § 69.
[18] Cass. crim., 17 févr. 2010, n° 09-87.254 : Bull. crim., n° 32 ; AJP, 2010, p. 292, obs. G. Roussel ; Procédures, 2010, comm. n° 194 ; obs. A.-S. Chavent-Leclère. La Cour de cassation s’était contentée du contrôle de l’existence de la base légale de la privation de liberté, établie dans un raisonnement similaire à la Cour européenne des droits de l’Homme, sans s’intéresser à sa précision.
[19] Medvedyev, sect. V : préc. ; § 61.
[20] CEDH, sect. II, 28 août 2012, Simons c. Belgique, req. n° 71407/10, déc. : D., 2012, p. 2644, comm. F. Fourment ; JCP, 2012, n° 1221, note K. Blay-Grabarczyk.
[21] CEDH, ch., 25 juin 1996, Amuur c. France, req. n° 19776/92 : Rec. CEDH, 1996-III ; RSC, 1997, p. 457, obs. R. Koering-Joulin ; D., 1997, p. 203, obs. S. Perez.
[22] Medvedyev, sect. V : préc. ; § 61.
[23] Amuur : préc. ; § 53 : la loi « ne permettait au juge judiciaire de contrôler les conditions de séjour des étrangers ni, au besoin, d’imposer à l’administration une limite à la durée du maintien litigieux et ne prévoyait un accompagnement juridique, humanitaire et social ni ne fixait les modalités et les délais d’accès à une telle assistance afin que soient assurées les démarches des demandeurs d’asile ».
[24] Hassan : préc. ; § 71.
[25] V. sur les exigences européennes quant au contrôle de l’article 5 § 3, les développements consacrés par la Grande chambre pour synthétiser la jurisprudence européenne sur ce point dans l’arrêt Medvedyev [préc.].
[26] Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 122.
[27] Ibid., § 121.
[28] Ibid., § 124.
[29] Ibid., § 125.
[30] Ibid., § 124.
[31] Ibid., § 124.
[32] Art. 5 § 4 CEDH.
[33] Art. 5 § 3 CEDH.
[34] Art. 5 § 4 CEDH.
[36] L’article 5 § 3 ne suppose pas, en principe, que le suspect soit assisté d’un avocat lors de la présentation devant l’autorité judiciaire [CEDH, ch., 4 déc. 1979, Schiesser c. Suisse, req. n° 7710/76 : Rec. CEDH, série A, n° 34 ; § 36 – CEDH, sect. V, 6 mars 2012, Marzohl c. Suisse, req. n° 24895/06, déc.].
[37] CEDH, sect. IV, 23 juin 2009, Oral et Atabay c. Turquie, req. n° 39686/02 ; § 43 : une « période de garde à vue dépassant quatre jours est prima facie trop longue, même dans un contexte de lutte contre le terrorisme ». Hassan : préc. ; § 89 : « [le] contrôle [imposé par l’article 5 § 3] doit en tout cas intervenir dans un délai maximum de quatre jours après l’arrestation, sauf « circonstances tout à fait exceptionnelles ». – V. pour une formulation identique à la citation précédente, Ali Samatar : préc. ; § 45.
[39] Ibid. La Cour notait pour établir sa conclusion qu’une distance de 5.500 km séparait le lieu d’arrestation de celui de la présentation, que les suspects avaient opposé une résistance lors de l’arraisonnement de leur navire, qui avait empêché son déroutement avant quarante-trois heures, et que les suspects avaient ensuite été amenés par avion à Madrid, après leur arrivée à Las Palmas, et que le déroutement du navire vers l’île de l’Ascension, territoire britannique, plutôt que vers les iles Canaries, pour permettre une traduction plus rapide, avec l’aide des autorités britanniques, argument soutenu par les requérants, était une possibilité peu « crédible ».
[40] Medvedyev : préc. ; § 131. En l’espèce, les requérants avaient argué que la réalisation du transport sur un navire de la marine nationale, plutôt que sur le navire arraisonné et remorqué, aurait permis une présentation plus rapide.
[41] V. l’opinion partiellement dissidente commune aux juges Tulkens, Bonnello, Zupancic, Fura, Spielmann, Tsotsoria, Power et Poalelung ; § 8 et 9 : « Il nous semble qu’un certain nombre de pistes auraient été susceptibles d’être envisagées par les autorités françaises afin d’assurer le respect des droits reconnus aux requérants par l’article 5 § 3. Par exemple, dès lors que l’aviso Lieutenant de vaisseau Le Hénaff avait appareillé de Brest avec pour mission d’intercepter le Winner (repéré par les services américains, espagnols et grecs, et suspecté de transporter une importante cargaison de drogue, donc faisant l’objet d’une demande d’interception de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (« OCRTIS »), la nécessité d’une intervention d’un magistrat, pendant ou juste après l’opération, était raisonnablement prévisible. En conséquence, on aurait pu décider qu’un juge embarque à bord de l’aviso à Brest, voire en Espagne comme ce fut le cas pour les experts de l’OCRTIS. À défaut, les autorités auraient pu examiner la possibilité de transférer les membres de l’équipage sur un navire militaire (nous relevons à cet égard que le Lieutenant de vaisseau Le Hénaff n’a mis que six jours depuis Brest pour rejoindre le Winner). Compte tenu de l’état du navire, il est surprenant que les autorités en charge de l’opération aient décidé de maintenir les membres de l’équipage du Winner sur ce dernier, au risque de voir le délai de présentation à un juge durer exagérément. Par ailleurs, il ne semble pas qu’on ait étudié la possibilité de les transporter en France par voie aérienne, alors que cette option a déjà été utilisée par les autorités françaises dans des affaires de piraterie et aurait pu être envisagée ici aussi. »
[42] Vassis : préc. ; § 55 et s. Concernant l’acheminement des suspects par voie maritime qui avait duré dix-huit jours, l’étude du moyen choisi par l’État était écartée du raisonnement de la Cour, et la possibilité de profiter de la proximité des côtes sénégalaises pour permettre le transport en avion, ne faisait pas l’objet d’une étude approfondie par celle-ci.
[43] Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 131. - Vassis : préc. ; § 55.
[44] Concernant le Ponant, les suspects avaient été interpellés le 11 avril 2008 et débarqués en France le 16 avril 2008, après leur acheminement le même jour par avion. Concernant le Carré d’As, les suspects avaient été interpellés le 16 septembre 2008 et débarqués en France le 23 septembre 2008, après leur acheminement le même jour par avion.
[45] Concernant le Ponant, l’accord avait été donné le 15 avril 2008, et concernant le Carré d’As, l’accord avait été donné le 21 septembre 2008.
[46] La Cour se référait à la recherche de « circonstances tout à faits exceptionnelles » [Ali Samatar : préc. ; § 54 – Hassan : préc. ; § 99] ou encore à la démonstration que l’acheminement n’avait pas duré « plus de temps que nécessaire » [Ali Samatar : préc. ; § 53 - Hassan : préc. ; § 97].
[47] Ali Samatar : préc. ; § 53 et s. - Hassan : préc. : § 97
[48] La durée d’acheminement était de six jours pour l’affaire du Ponant et de huit jours pour l’affaire du Carré d’As.
[49] Le même arrêt de Section, dans son examen de la qualité de la loi, avait également imposé que la norme privative de liberté reconnaisse des droits au profit de la personne arrêtée [v. supra, n° 2].
[50] Celui-ci, réalisé à distance, sans présentation de l’individu et sans intervention de sa part, suppose que l’autorité judiciaire soit informée du placement en privation de liberté et des grandes évolutions de l’affaire, pour lui permettre à tout moment de commander la libération. Le Conseil constitutionnel exige un tel contrôle de l’« autorité judiciaire », au sens de l’article 66 de la Constitution, dans la matière de la détention du suspect [v. pour la garde à vue, Cons. const., déc. n° 93-326 DC du 11 août 1993 portant sur la loi modifiant la loi n° 93‑2 du 4 janv. 1993 portant réforme du Code de procédure pénale : J. O., 15 août 1993, p. 11599 ; RFD const., 1993, p. 848, note Th. Renoux et Cons. const., déc. n° 2010-14/22 QPC du 30 juil. 2010, [M. W.] : J. O., 31 juil. 2010, p. 14198 ; RTD civ., 2010 p. 513, obs. P. Puig ; RSC, 2011, p. 139, obs. A. Giudicelli ; D., 2010, p. 2254, obs. J. Pradel ; AJP, 2010, p. 470, comm. J.‑B. Perrier ; Constitutions, 2010, p. 571, comm. E. Daoud et E. Mercinier ; RSC, 2011, p. 165, obs. B. de Lamy – v. pour la retenue aux fins de défèrement, Cons. const., déc. n° 2010-80 QPC du 17 déc. 2010, [M. F.] : J. O., 19 déc. 2010, p. 22374 ; Constitutions, 2011, p. 525, note E. Daoud et A. Talbot ; Procédures, 2011, comm. n° 73, obs. J. Buisson et Cons. const., déc. n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011, [M. L.] : J. O., 7 mai 2011, p. 7850 ; AJP, 2011, p. 471, obs. J.‑B. Perrier ; Constitutions, 2011, p. 525, note E. Daoud et A. Talbot ; RSC, 2011, 415, obs. J. Danet ; Gaz. Pal., 24 mai 2011, p. 18, obs. S. Detraz]. En revanche, le contrôle en temps réel, dans la jurisprudence constitutionnelle, peut-être effectué par le magistrat du siège ou le magistrat du parquet, celui-ci étant également membre de l’« autorité judiciaire » [v. par ex., déc. n° 2010-14/22 QPC du 30 juil. 2010, [M. W.] : préc. ; consid. n° 26]. Un tel contrôle n’a pas été étendu aux courtes privations de liberté de police administrative [v. s’agissant du dégrisement, Cons. const., déc. n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, [M. D.] : J. O., 9 juin 2012, p. 9796 ; Gaz. Pal., 5 juil. 2012, p. 11, comm. S. Detraz ; Constitutions, 2012, p. 479, obs. X. Bioy ; LPA, 25 mars 2013, p. 4, chron. V. Tellier-Cayrol : « eu égard à la brièveté de cette privation de liberté organisée à des fins de police administrative par les dispositions contestées, l’absence d’intervention de l’autorité judiciaire ne méconnaît pas les exigences de l’article 66 de la Constitution »].
[51] La qualité de la loi privative de liberté de droit positif était écartée, notamment, en ce que ses dispositions « [omettaient] de […] placer [la personne suspecte] sous le contrôle d'une autorité judiciaire » [Medvedyev, sect. V : préc. ; § 61]. Le placement des opérations sous le contrôle du procureur de la République ne satisfaisait pas cette condition, dès lors que celui-ci « manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié » [ibid.].
[52] V. l’opinion partiellement dissidente de la juge Berro-Lefèvre, à laquelle se rallient les juges Lorenzen et Lazarova Trajkovska.
[53] Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 124 : l’affirmation figurait discrètement dans la partie sur l’exposé des principes généraux, la Cour rappelant le défaut d’indépendance du magistrat pouvant devenir par la suite partie, « à l’instar du ministère public ». – CEDH, sect. V, 23 nov. 2010, Moulin c. France, req. n° 37104/06 : AJDA, 2011, p. 889, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D., 2011, p. 277, obs. J.-F. Renucci ; ibid., p. 338, obs. S. Lavric ; ibid., note J. Pradel ; ibid., p. 26, point de vue F. Fourment ; RSC, 2011, p. 208, note D. Roets ; Dr. pénal, 2011, comm. n° 26, obs. A. Maron et M. Haas ; Procédures, 2011, comm. n° 30, note A.‑S. Chavent‑Leclère ; Gaz. Pal., 9 déc. 2010, p. 6, note O. Bachelet ; JCP, 2010, n° 1206, obs. F. Sudre : la Cour montrait une certaine prudence, refusant de désigner clairement les points défectueux du magistrat français, pour s’éloigner du débat national sur l’éventuelle réforme du parquet. –Vassis : préc. – Hassan : préc. ; § 88. – Ali Samatar : préc. ; § 44.
[54] Ce qui pouvait être déduit depuis longtemps de la jurisprudence européenne concernant, notamment, le droit suisse [v. L. mortet, Essai d’une théorie générale des droits d’une personne privée de liberté, th., Nancy, 2014].
[55] L’arrêt de Grande chambre Medvedyev n’employait le défaut d’indépendance du parquetier français ni dans son raisonnement sur l’article 5 § 1er ni sur celui sur l’article 5 § 3.
[56] Vassis : préc. ; § 53 : « l’intervention d’un membre du ministère public au début et pendant le déroulement de la garde à vue ne soulève pas, en soi, de difficulté, pourvu que la personne gardée à vue soit ensuite présentée à un “juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires” dans un délai conforme aux exigences de l’article 5 § 3 ».
[57] Le contrôle en temps réel d’une telle privation de liberté par le juge des libertés et de la détention a été imposé par la réforme précitée du Code de la défense [art. 1521-14 CD].
[58] Vassis : préc. ; § 53. La Cour européenne des droits de l’Homme visait plus largement la « garde à vue ».
[59] L’intervention du magistrat du siège est nécessaire pour prolonger la garde à vue au-delà de quarante-huit heures [Cons. const., déc. n° 80-127 DC des 19 et 20 janv. 1981 portant sur la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes : J. O., 22 janv. 1981, p. 308 - Cons. const., déc. n° 86-213 DC du 3 sept. 1986 portant sur la loi relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’État : J. O., 5 sept. 1986, p. 10786 ; consid. n° 17. – déc. n° 93-326 DC du 11 août 1993 : préc. ; consid. n° 5 - Cons. const., déc. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 relative à la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité : J. O., 10 mars 2004, p. 4637 ; RSC, 2005, p. 122, comm. V. Bück ; D., 2004, p. 956, note M. Dobkine ; RSC, 2004, p. 725, comm. Ch. Lazerges ; JCP, 2004, II, n° 10048, obs. J.‑C. Zarka ; consid. n° 25. –déc. n° 2010-14/22 QPC du 30 juil. 2010 : préc. ; consid. n° 26]. En cas de garde à vue d’une durée moindre, le magistrat du parquet reste compétent pour assurer le contrôle de la rétention aux fins de défèrement lui succédant [déc. n° 2010-80 QPC du 17 déc. 2010 : préc.].
[60] V. sur ce point, infra, n° 6.
[61] Préc.
[62] Vassis : préc. ; 57. - Hassan : préc. ; § 96. – Ali Samatar : préc. ; § 52.
[63] V. infra, n° 6.
[64] On notera d’ailleurs, dans l’arrêt Hasan, quant à l’appréciation de la qualité de la loi, que la Cour prenait soin de citer une circulaire nationale, prise après la réforme du Code de la défense, admettant que le droit antérieur « ne prévoyait pas expressément la possibilité d’une privation de liberté précisément définie et encadrée par un régime “adéquat”, sous le contrôle d’un magistrat du siège » [§ 70].
[65] Art. 1er CEDH : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention. »
[66] Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 61 : « partant, la Cour considère que, compte tenu de l’existence d’un contrôle absolu et exclusif exercé par la France, au moins de facto, sur le Winner et son équipage dès l’interception du navire, de manière continue et ininterrompue, les requérants relevaient bien de la juridiction de la France au sens de l’article 1 de la Convention ». – Hassan : préc. ; § 39. – Ali Samatar : préc. ; § 31.
[67] La Cour de cassation a adopté la même analyse, censurant la Chambre d’instruction qui avait déterminé que les suspects s’étaient trouvés sous « juridiction » française uniquement après l’accord du gouvernement somalien pour transférer les individus [Cass. crim., 16 sept. 2009, n° 09-82.777 : inédit ; D., 2010, p. 631, note G. Poissonnier ; JCP, 2010, p. 184, note P. Beauvais].
[68] Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 132 et s.
[69] V. Ali Samatar : préc. ; § 44, ou, pour une citation identique, Hassan : préc. ; § 87 et s. : les suspects « n’ont été traduits devant une autorité de ce type [ndla : la Cour vise ici « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaire »] qu’au moment de leur présentation au juge d’instruction ».
[70] V. pour une solution identique, Moulin : préc.
[71] Vassis : préc. ; § 58 : « les requérants n’ont finalement comparu pour la première fois devant un “juge ou un autre magistrat”, au sens autonome de l’article 5 § 3 de la Convention, en l’espèce un JLD [sic], qu’après un délai supplémentaire d’environ quarante-huit heures ».
[72] V. supra, n° 3.
[73] V. Moulin : préc. Pour étudier le respect de l’article 5 § 3, la Cour avait étudié dans cette affaire toute intervention du juge judiciaire pendant la garde à vue, comme si celle-ci était de nature à constituer l’Habeas corpus. La Cour notait alors que la prolongation de la garde à vue décidée par le juge d’instruction ne pouvait constituer la traduction devant le juge de l’article 5 § 3, dès lors qu’elle s’était réalisée sans présentation. La perquisition réalisée par les magistrats instructeurs en compagnie du suspect ne pouvait non plus constituer l’Habeas corpus, dès lors que la question de la légalité de la privation de liberté n’avait pas été posée au regard des procès‑verbaux.
[74] Ces arrêts étudient la célérité de l’Habeas corpus dans une partie intitulée « sur la durée de la garde à vue » [v. par exemple, parmi de nombreux autres arrêts contre la Turquie, CEDH, sect. I, 3 juin 2004, Bati et autres c. Turquie, req. nos 33097/96 57834/00 ; § 150 et s.]. Dans l’arrêt de la Grande chambre Medvedyev, celle-ci a aussi étudié sous l’angle de l’article 5 § 3, pour savoir si les suspects avaient été traduits « aussitôt » depuis leur débarquement, « la durée de leur garde à vue avant leur traduction devant un juge » [Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 133].
[75] V. infra, n° 6.
[76] V. supra, n° 3.
[77] De manière caricaturale, la Grande chambre, dans l’arrêt Medvedyev, soumettait, après avoir examiné séparément la durée de l’acheminement, la durée entre le débarquement et la présentation au respect de « la notion “d’aussitôt traduit” » selon les termes même de la Cour, comme si sa jurisprudence traditionnelle sur l’article 5 § 3 s’appliquait à partir du débarquement : une telle solution, en principe, était de nature à autoriser l’État à appliquer, après le débarquement, une garde à vue de quatre jours [Medvedyev, gde ch. : préc. ; § 132 et s.].
[78] Vassis : préc. ; § 61.
[79] Ibid., § 60.
[80] V. pour la même citation Hassan : préc. ; § 91 et Ali Samatar : préc. ; § 52 : « Elle a en effet, d’une part, observé que la privation de liberté subie par le requérant Rigopoulos s’était déroulée sous le contrôle du tribunal central d’instruction de Madrid, une juridiction d’instruction spécialisée et indépendante de l’exécutif, qui avait effectivement procédé à un contrôle juridictionnel de cette privation de liberté. D’autre part, elle a noté que, dans l’affaire Medvedyev et autres, les requérants avaient été rapidement présentés aux juges d’instruction en charge de la procédure à l’issue de la traversée, à savoir entre huit et neuf heures après le début de leur garde à vue en France. Dans l’affaire Vassis et autres, la garde à vue d’une durée d’environ quarante-huit heures avait succédé à la privation de liberté subie par les requérants à bord de leur navire, ce qui avait retardé d’autant leur traduction devant « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ».
[81] La Cour européenne des droits de l’Homme, dans son arrêt Vassis, justifiait son refus d’admettre une longue garde à vue après le débarquement par le défaut de contrôle judiciaire en temps réel durant l’acheminement [Vassis : préc. ; § 60 : « non seulement un tel délai [d’acheminement], sans contrôle juridictionnel, prive de justification la garde à vue de quarante-huit heures à laquelle les requérants ont ensuite été soumis mais, en outre, il constitue une circonstance particulière rendant l’exigence de promptitude, prévue à l’article 5 § 3 de la Convention, plus stricte que lorsque le début de la garde à vue coïncide avec la privation de liberté »].
[82] Dans l’affaire Medvedyev, les suspects avaient été placés en garde à vue à 8 h 45, soit un horaire permettant une présentation immédiate devant le juge judiciaire.
[83] Ali Samatar : préc. : § 56 et s. – Hassan : préc. ; § 101 et s.
[84] La réforme du Code de la défense semble désormais interdire, dans de tels cas, un placement en garde à vue immédiatement après le débarquement [art. L. 1521-18 CD : « Dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l'objet de mesures de coercition sont mises à la disposition de l'autorité judiciaire. »].
[85] CEDH, sect. V, 6 nov. 2008, Kandzhov c. Bulgarie, req. n° 68294/01, en angl. : l’arrêt concernait une infraction de faible gravité. - CEDH, sect. II, 3 févr. 2009, Ipek et autres c. Turquie, req. nos 17019/02 et 30070/02, en angl. : l’arrêt concernait des mineurs. - CEDH, sect. IV, 15 oct. 2013, Gutsanovi c. Bulgarie, req. n° 34529/10 ; D., actu., 30 oct. 2013, obs. O. Bachelet : aucun acte d’enquête n’avait été réalisé durant le deuxième et troisième jour de la garde à vue.- CEDH, sect. IV, 24 juin 2014, Petkov et Profirov c. Bulgarie, req. nos 50027/08 et 50781/09, en angl. ; v. nos obs. : contrairement aux autres cas qui concernaient des mesures de longue durée, les gardes à vue censurées en l’espèce n’avaient duré qu’environ vingt‑quatre heures, et la sanction était justifiée par le défaut d’enquête sérieuse réalisée durant celles-ci]. L’arrêt Vassis n’a pas été cité dans les arrêts postérieurs opérant ce contrôle plus sévère de la nécessité ou de la proportionnalité de la garde à vue.
[87] V. pour la censure d’un délai de dix-sept jours concernant le premier contrôle judiciaire de la détention extraditionnelle, CEDH, sect. I, 9 janv. 2003, Kadem c. Malte, recours n° 55263/00, en angl. ; § 43 et s.
[88] On notera que dans l’affaire Hassan, les requérants avaient soulevé une violation de l’article 5 § 4, considérant qu’ils auraient dû avoir accès à un Tribunal sur le fondement de l’article 5 § 4 en Somalie [Hassan : préc. ; § 107 et s.]. La Cour, au motif que l’intervention du juge judiciaire exigée par l’article 5 § 3 est plus rapide – « aussitôt » -, par rapport au recours de l’article 5 § 4 – à « bref délai » -, estimait qu’il n’y avait lieu de vérifier le respect de cette dernière disposition dès lors qu’elle avait vérifié le respect de la première.
[89] L’adoption d’une telle solution a peu d’intérêt en droit français, dès lors que la présentation devant le juge d’instruction au terme de la garde à vue, qui constitue l’Habeas corpus, ouvre déjà l’exercice des droits de la défense, et dépasse sur ce point le standard européen.
[90] V. par exemple pour l’exigence d’une célérité accrue, équivalant à celle de l’article 5 § 3, concernant l’intervention du Tribunal, lorsque celle-ci réalise le premier contrôle juridictionnel de la privation de liberté, en dehors, donc, du cas du suspect, le seul à bénéficier dans le texte de la Convention de l’Habeas corpus, CEDH, sect. I, 26 juin 2014, Shcherbina c. Russie, req. n° 41970/11, en angl. ; v. nos obs.

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