1.
Le droit à l’indemnisation par le juge interne de l’indignité passée des conditions
matérielles de détention. L’article 13 combiné à l’article 3
de la Convention européenne des droits de l’Homme oblige le droit national à consacrer
une voie de recours interne contre les conditions de détention matériellement
indignes du fait de l’insalubrité et de la vétusté ou de la
surpopulation [v.
pour le contrôle européen de la matière, dont le critère principal réside dans
la surface de l’espace personnel dont bénéficie le détenu, notre comm. de l’arrêt Mursic]. En réalité,
ce sont deux recours qui doivent coexister pour satisfaire la Convention [v. pour un rappel des principes
applicables, nos obs. ici].
Pour les conditions de détention passées, soit que le détenu, après l’introduction
de son action, ait été libéré ou ait bénéficié de conditions de détention
satisfaisantes, le recours utile interne est indemnitaire. Sur ce point, la
Cour européenne des droits de l’Homme a déjà estimé que l’action du détenu devant
le juge administratif français pour engager la responsabilité de l’État du fait
des conditions de détention indignes [v.
pour les premières décisions du fond TA Caen, 21 déc. 2004 ; AJP, 2005, p. 120, obs. C. S. Enderlin ou TA Versailles, 18 mai
2004 ; AJP, 2004, p. 413,
obs. M. Herzog‑Evans ou TA Rouen, 27 mars 2008, n° 0602590 ; D., 2008, p. 1959, comm. M. Herzog-Evans
ou CA Douai, 12 nov. 2009, n°
09DA00782 :
AJDA, 2010, p. 42, obs. J. Lepers – v. pour une synthèse de
la jurisprudence administrative, N. Deffains,
« De la responsabilité de l’État du fait des conditions de
détention » ; Gaz. Pal, 9
févr. 2013, p. 12, spéc. II] est une voie de
recours interne efficace au sens de la Convention [CEDH, sect. V, 13 sept. 2011,
Lienhardt c. France, req. n°
12139/10, déc. – CEDH, sect. V, 2 avr. 2013, Théron c. France,
req. n° 21706/10, déc. – CEDH, sect. V, 10 avr. 2012, Rhazali et autres c. France,
req. n° 37568/09, déc.].
Les actions se multiplient [selon le Rapport d’information de
la Commission des Lois constitutionnelles sur les moyens de lutte contre la
surpopulation carcérale,
« le montant des condamnations liées aux
conditions de détention s’élevait à 46.000 € en 2009, à 140.250 € en 2010 et à
343.000 € en 2011, soit une progression de 645 % entre 2009 et 2011 »],
même si les indemnisations accordées demeurent modestes [dans sa décision Lienhardt, précitée, la Cour déclarait
irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes le requérant
n’ayant agi que devant le Tribunal administratif, qui lui avait alloué 2.000 €
d’indemnisation. La Cour notait qu’elle lui aurait sûrement accordé une
meilleure indemnisation, sans que cette circonstance ne suffise à rendre la
requête recevable. En revanche, le montant de l’indemnisation du préjudice
accordé par le juge interne, s’il est considérablement inférieur au montant que
la Cour pourrait allouer pour une affaire similaire, empêche que le requérant
perde sa qualité de victime et lui permet d’agir ; CEDH, sect. IV, 20 juil. 2010, Ciorap c. Moldavie (n° 2), req. n° 7481/06,
en angl. En
l’espèce, le requérant avait obtenu 600 € en réparation de la détention
indigne, mais la Cour allouait au requérant 4.000 € d’indemnisation. Elle
citait deux exemples dans sa jurisprudence récente, qui ont vocation à servir
de mètre étalon en matière d’indemnisation, dans lesquelles elle avait accordé
à chaque fois 6.000 € de préjudice moral ; ibid., § 24. Le premier cas concernait des conditions de
détention sévères qui n’avaient duré que cinq jours ; CEDH, sect. IV, 15 déc.
2009, Gavrilovici c. Moldavie,
req. n° 25464/05, en angl..
Le second une détention provisoire de deux mois, réalisée dans des conditions
dont l’indignité était moins affligeante ; CEDH, sect. IV, 27 mars 2007, Istratii c. Moldavie, req. nos
8721/05, 8705/05 et 8742/05, en angl.].
2.
La réitération de la validation du recours indemnitaire français. Le
droit français a trouvé dans l’arrêt Yengo
[CEDH, sect. V, 21 mai 2015, Yengo c. France, req. n° 50494/12 ; JCP, 2015, n° 663, obs. M Afroukh ;
D., actu., 26 mai 2015, obs. M. Léna] un nouveau satisfecit
quant au recours devant le juge administratif en indemnisation des conditions
matérielles de détention passées [ibid., § 48 et s.].
Logiquement, puisque depuis les dernières décisions européennes, le Conseil d’État
a fermement validé le principe de la responsabilité de l’État sur le fondement
de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme :
« en raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues
vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère
attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur
vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur
handicap et de leur personnalité, ainsi que de la nature et de la durée des
manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements
eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre
dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la
protection de l'intérêt des victimes ; que des conditions de détention qui
porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères
et à la lumière des dispositions du code de procédure pénale, notamment des
articles D. 349 à D. 351, révèleraient l'existence d'une faute de nature à
engager la responsabilité de la puissance publique » [CE, sect., 6 déc. 2013, 6 arrêts,
n° 363290, 363291, 363292, 363293, 363294 et 363295 : rec. CE ; AJDA,
2014, p. 237, concl. D. Hedary ; Dr. admin., 2014, repère n° 3, obs.
J-B. Auby ; ajp, 2014, p. 143, comm. É. Péchillon].
L’initiative du Conseil
d’État, qui a établi sa propre grille d’analyse des critères permettant
d’établir l’atteinte à la dignité, aussi louable soit-elle, doit sans doute
être prise avec distance, tant on imagine mal le juge du fond ne pas s’inspirer
pleinement de la propre grille d’analyse de la Cour européenne des droits de
l’Homme, qui tend, pour les conditions matérielles de détention, à établir un
réel standard abstrait et objectif détaché des considérations particulières
propres à la situation du détenu, lesquelles ont encore bonne place dans ce
considérant de principe [v.
pour la description de ce standard européen, notamment, B. Ecochard, « L’émergence d’un droit à des conditions
de détention décentes garanti par l’article 3 de la Convention européenne des
droits de l’homme » ; RFDA,
2003, p. 99 ou F. Sudre,
« L’article 3 bis de la Convention européenne des droits de l’homme :
le droit à des conditions de détention conformes au respect de la dignité
humaine » ; in Mélanges
Cohen-Jonathan, Libertés, justice,
tolérance, Bruylant, 2004, vol.
2, p. 1449 ou P. Dourneau-Josette,
« Les conditions de détention et la Cour européenne des droits de l’Homme
» ; Gaz. Pal., 2013, n° 40].
En particulier, en matière d’insalubrité et de vétusté des
conditions de détention ou de surpopulation, les critères de la sécurité et du
bon ordre ne sont pas pris en compte par la jurisprudence européenne [v. pour la sanction des
conditions matérielles de détention quand bien même elles concernaient un
quartier disciplinaire, CEDH, sect. V, 20 janv. 2011, Payet c. France,
req. n° 19606/08 :
D., 2011, p. 380, obs. S. Lavric ; D., 2011, p. 643, obs. J.‑P. Céré ; RSC, 2011, p. 718, obs. J.‑P. Marguénaud ; JCP, 2011, n° 184, obs. B. Pastre-Belda ; Procédures, 2011, comm. n° 94,
obs. N. Fricero ; Gaz. Pal., 21 avr. 2011, p. 11,
comm. É. Senna]
et leur mention doit être interprétée comme servant au contrôle du bien-fondé des
différentes mesures punitives ou de sûreté que peut subir le détenu, comme les
fouilles ou encore l’isolement, dont la Cour européenne des droits de l’Homme
opère également le contrôle sur le fondement de l’article 3 [v. notamment sur le bien-fondé de
l’isolement de sûreté, nos obs. ici].
La Cour européenne des droits de l’Homme a d’ailleurs rappelé dans l’arrêt Yengo que, pour caractériser un recours
interne efficace, « l’affaire doit
avoir été effectivement examinée en conformité avec les normes découlant de la
jurisprudence de la Cour » [Yengo : préc. ; § 62], montrant par la même sa
prétention pratiquement normative à définir les dignes conditions de détention.
Ces arrêts du Conseil
d’État ont aussi admis la pratique du référé-provision en la matière, tout en
maintenant l’application de la condition de droit commun du recours,
c’est-à-dire de la démonstration que «
l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable » [art. R. 541-1 CJA].
En matière de conditions de détention, le respect de cette exigence impose que
l’atteinte à la dignité relève d’un certain « degré de gravité » [pour
le premier des six arrêts, le seul publié au Recueil, le seuil de gravité n’était
pas atteint par les simples « conditions
défectueuses de fonctionnement des équipements (de la cellule médicalisée),
les difficultés de circulation et
l'humidité régnant dans ces cellules »]. Le juge
français, s’il développe le recours aux référés pour protéger la dignité des
détenus [v. les différentes références infra], n’altère pas non
plus en la matière les conditions de droit commun de ces recours, ce qui est
visible aussi dans le maintien d’une appréciation sévère de l’urgence en
matière de référé‑liberté, et même problématique dans cette dernière matière dans
le cas du placement du détenu en isolement [v. nos obs. ici, in fine]. En tout cas, ces progrès de la
jurisprudence administrative, malgré leurs limites, sont validés par la Cour
européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt Yengo, qui souligne l’évolution jurisprudentielle [Yengo :
préc. ; § 56].
Plus que le recours indemnitaire devant le juge interne, les raisonnements de
la Cour sur le second recours exigé par la combinaison des articles 3 et 13
intéressent plus, ne serait-ce que parce que la Cour a conclu à la violation de
la Convention à ce sujet.
3.
Le droit à l’obtention devant le juge interne de conditions de détention
conformes au standard européen. Pour les conditions de
détention actuelles, le recours utile interne, qualifié de « préventif », doit permettre de
modifier le « statu quo »,
c’est-à-dire « avoir une incidence
immédiate sur ses conditions de détention » [CEDH, sect. IV, 22 oct. 2009, Sikorski c. Pologne, req. n°
17599/05 ; § 115
et s.] :
a minima, le juge interne doit
disposer d’un pouvoir d’injonction de nature à améliorer les conditions
matérielles de détention du détenu au sein du même établissement [CEDH, sect. IV, 22 oct. 2009, Orchowski c. Pologne, req. n° 17885/04, en angl. : RSC, 2010, p. 497, chron. C. Nowak ; § 108].
Si l’incompatibilité médicale exige de créer un recours interne permettant
l’élargissement [CEDH, 14 nov. 2002, Mouisel c.
France, req. n° 67263/01
: Rec. CEDH, 2002-IX ; LPA,
19 juin 2003, p. 15, comm. H.
Tigroudja ; ibid., 16
juil. 2003, p. 13, comm. D. Roets ;
D., 2003, p. 524, obs. J.‑F. Renucci ; ibid., p. 303, note H. Moutouh ; ibid., p. 919, chron. J.‑P.
Céré ; RSC, 2003, p. 144,
chron. F. Massias ; AJDA, 2003, p. 603, chron. J.‑F. Flauss],
l’atteinte à la dignité résultant des conditions matérielles de détention ne
génère, dans la jurisprudence européenne, qu’un droit à l’amélioration de ces
conditions jusqu’à les rendre conformes au standard pénitentiaire européen. De
manière plus novatrice, la Cour a réalisé dans l’arrêt Yengo un effort d’abstraction pour décrire précisément les qualités
du recours interne efficace en matière de contestation de la dignité des
conditions matérielle de détention actuelles, qui annonçait peut-être une
évolution :
« pour qu’un recours préventif contre des
conditions de détention formé devant une instance administrative soit effectif,
celle-ci doit a) être indépendante des autorités chargées du système
carcéral, b) s’assurer de la participation effective des détenus à
l’examen de leurs griefs, c) veiller au traitement rapide et
diligent desdits griefs, d) disposer d’une large gamme d’instruments
juridiques permettant de mettre fin aux problèmes à l’origine des griefs,
e) être capable de rendre des décisions contraignantes et
exécutoires » [ibid., § 61],
de telle sorte que « tout recours de
ce type doit […] permettre un
redressement dans un délai raisonnable » [ibid.].
4.
Les difficultés du droit français à faire émerger une voie de droit utile. Le
droit français a longtemps tâtonné quant au traitement de la contestation de la
dignité des conditions de détention subies par le détenu au moment de son
action. La Cour de cassation avait semblé reconnaître, dans un premier temps,
l’efficacité du moyen dans le contentieux de l’annulation de l’acte d’enquête [Cass.
crim., 7 mai 2008, n° 08-81.419 : inédit ;
RSC, 2008, p. 930, obs. R. Finieltz],
avant de l’écarter par principe [Cass. crim.,
22 juin 2010, n° 09-86.658 :
inédit ; la Cour
affirmait sans équivoque « qu'une
éventuelle violation des dispositions de l'article 3 de la Convention
européenne des droits de l'homme, de l'article 10 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et de l'article préliminaire du Code de
procédure pénale, si elle est susceptible d'engager la responsabilité de la
puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne
saurait constituer une cause de nullité de procédure »].
L’action pénale a aussi été utilisée, sur le fondement de l’incrimination
d’hébergement incompatible avec la dignité humaine [art. 225‑14 CP : « le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l'état de
dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, à des conditions de travail ou
d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de cinq ans
d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende »],
et une chambre d’accusation avait bien admis la possible application du texte [CA Nancy, 1er mars
2007 : AJP, 2007, p. 335,
obs. M. Herzog‑Evans :
« les conditions de détention ne
sont pas exclues par nature du champ d’application de l’article 225-14 du Code
pénal. Certes l’État ne peut être mis en cause, mais il appartiendra au juge
d’instruction désigné de déterminer si des personnes physiques ont été en
position du fait notamment de leurs fonctions, de créer ou de mettre un terme à
des conditions d’hébergement éventuellement incompatibles avec la dignité de la
personne détenue »], mais cette voie a été clôturée
par la Cour de cassation avec vigueur [Cass.
crim., 20 janv. 2009, n° 08‑82.807 : Bull. crim., n°
18 ; AJP, 2009, p. 139,
obs. M. Herzog‑Evans ; Dr.
pén., 2009, comm. n° 42, obs. A.
Maron et M. Haas ; RSC, 2009, p. 377,
obs. Y. Mayaud – Le détenu
avait saisi la Cour européenne des droits de l’Homme au cours de l’instruction,
et s’était heurté, de ce fait, à une irrecevabilité. La
fermeture du recours par la Cour de cassation lui a permis d’épuiser les voies
de recours internes, de saisir enfin la Cour, et d’obtenir la condamnation de
la France dans l’arrêt Canali ; CEDH, sect. V, 25 avr. 2013, Canali c. France, req. n°
40119/09 ; D.,
2013, p. 1138, obs. M. Léna ;
AJDA, 2013, p. 1794, chron. L. Burgorgue‑Larsen ; AJP, 2013, p. 403, note J.-P. Céré]. Le recours au
juge administratif, par référé‑suspension [voir CE, 9 avr. 2008, sect. fr. OIP, n° 311707 : inédit ; AJDA, 2008,
p. 1447, note J. Birnbaum. L’association
avait demandé au directeur de la maison d’arrêt de Fleury‑Mérogis de mettre fin
à tout placement en quartier disciplinaire, en raison des conditions
matérielles de détention détériorées y régnant, sur le fondement de l’article 3
de la Convention européenne des droits de l’Homme. Devant le juge
administratif, l’association demandait la suspension en référé de la décision
implicite de refus. Le juge administratif du fond avait rejeté la demande, pour
défaut de la condition d’urgence ; CAA Paris, 27 avr. 2006, Dominique X, n° 05PA03468. Son argumentation était validée
par le Conseil d’État, dès lors que l’effet du placement en cellule
disciplinaire sur la santé des détenus n’était pas suffisamment corrélé, même
s’il relevait que l’état des locaux « était
particulièrement dégradé ». Le juge rappelait également qu’un nouveau
quartier disciplinaire devait être ouvert à l’été 2008. Le Conseil d’État
rappelait aussi que « le juge
des référés (…) a tenu compte, d'une
part, de la situation invoquée par l'association requérante, et, d'autre part,
de l'intérêt public tenant à la sauvegarde de l'ordre public invoqué par
l'administration », admettant que la suspension aurait entraîné des
difficultés pour l’ordre pénitentiaire. Ce dernier élément revenait finalement
à reconnaître que les conditions de détention posaient indéniablement des
difficultés, sans pouvoir les sanctionner, pour préserver l’ordre
pénitentiaire. V. pour un autre ex., CAA Paris, 27 avr. 2006, Dominique X, n° 05PA03468. Le détenu contestait la
décision de son placement en isolement sur le fondement de l’article 3 de la
Convention, en raison des conditions matérielles de détention dégradées, en
arguant se trouver « dans une
cellule de 6,84 m², vétuste, mal isolée et dont l'aération est limitée à une
fenêtre étroite ». La Cour d’appel, reprenant la formulation de la
Cour européenne des droits de l’Homme, écartait cet argument, dès lors que la
mesure ne constituait pas « un
isolement sensoriel et social complet » et que ces conditions de
détention, du propre aveu du juge « difficiles »,
ne généreraient pas de conditions de détention « plus sévères que (celles) du
régime ordinaire de détention ».] ou par référé-liberté
[CE, réf., 8 sept. 2005,
Bunel, n° 284803 : Rec. CE, p. 388 ; AJP,
2005, p. 377, obs. M. Herzog‑Evans ;
LPA, 21 févr. 2007, p. 15,
note F. Fournié et
É. Massat. Le détenu
demandait à ne plus être soumis au tabagisme passif : il avait d’abord été
détenu dans une cellule avec trois fumeurs, alors que l’exposition à la fumée
avait aggravé sa pathologie, et le référé se fondait d’abord sur l’atteinte à
son état de santé. Le juge du fond avait accepté la demande et enjoint à
l’administration « de mettre en
œuvre, dans un délai d'un mois, les mesures appropriées afin de soustraire (le
détenu) au tabagisme ou en cas
d'impossibilité absolue liée aux contraintes de l'organisation carcérale, de
l'affecter dans une cellule où l'exposition au tabagisme sera limitée, sans que
ces mesures puissent avoir pour conséquence de priver l'intéressé de son emploi
aux cuisines ». Le Conseil d’État déniait au droit à la santé la
qualification de liberté fondamentale au sens de la disposition et rejetait le
référé-liberté. Bien que décevante, la décision ne fermait pas la porte à
l’emploi de la procédure d’urgence à la privation de liberté, notamment en cas d’atteinte
à la liberté personnelle, définie comme un droit « qui implique en particulier qu'il ne puisse subir de contraintes
excédant celles qu'imposent la sauvegarde de l'ordre public ou le respect des
droits d'autrui ». Cette assertion était cependant immédiatement
limitée par le Conseil d’État qui rappelait que, « s'agissant des personnes détenues dans les établissements
pénitentiaires, leur situation est nécessairement tributaire des sujétions
inhérentes à leur détention »], avait aussi été
tenté, sans véritable succès, à cette époque. Cet historique [v. aussi M. Herzog‑Evans, « Les voies du droit contre la surpopulation
carcérale » ; in Mélanges
Ottenhorf, Le champ pénal, Dalloz,
p. 197 et P. Poncela, « La
crise du logement pénitentiaire » ; RSC, 2008, p. 972], pas vraiment
emballant, rappelle comment le droit français a longtemps échoué à assurer le
respect de la dignité des détenus, par considération supérieure pour le bon
ordre pénitentiaire et les contraintes budgétaires.
Dans ce contexte, c’est
avec évidence que les raisonnements de la Cour européenne des droits de l’Homme
menés sur le recours français en amélioration des conditions matérielles de
détention intéressent. L’arrêt Yengo permet
de passer le droit français au crible européen. Mais à l’inverse, la bonne
connaissance du droit français permet aussi de mieux appréhender l’intensité
des exigences européennes, celle-ci passant à l’inverse, en quelque sorte, le
crible français. Les enseignements de l’arrêt sont d’autant plus intéressants
que son champ d’étude a été large. Concernant un prévenu en détention
provisoire au moment de la contestation portée devant le juge interne de ses
conditions de détention, la Cour européenne des droits de l’Homme a
successivement étudié l’efficacité de la demande de remise en liberté [§ 65
– v. infra, n° 5],
du recours en excès de pouvoir [§ 67 – v. infra, n° 6]
et des référés administratifs [§ 68 – v. infra, n° 7].
5.
La confirmation de l’inexistence d’un droit à la libération du fait de la
soumission à des conditions matérielles de détention indignes. En
l’espèce, le requérant avait invoqué l’indignité de ses conditions matérielles
de détention pour justifier d’une demande de remise en liberté. Nonobstant
l’affirmation de la Cour européenne des droits de l’Homme [Yengo :
préc. ; § 65],
des demandes de remise en liberté fondées sur l’indignité des conditions de
détention ont été formulées avant 2012 devant le juge judiciaire, mais leur
prise en compte a été rejetée par principe par la Cour de cassation [Cass. crim., 8 nov. 1988,
n° 88-85.185 : inédit. La Cour de cassation validait le
raisonnement de la chambre d’accusation qui avait décidé de prolonger une
détention provisoire, dès lors que « les
conditions matérielles dans lesquelles s'exécute la détention et qui seraient
contraires aux recommandations des conventions internationales échappent à la
compétence de la chambre d'accusation ». En l’espèce, le requérant
avait fondé la critique de ses conditions matérielles de détention sur la
Convention de New-York contre la torture de 1984 et sur la Convention européenne
des droits de l’Homme. – Cass. crim., 27 janv. 1998, n°
97-86.014 : inédit.
La Cour de cassation validait la décision du juge du fond qui « pour déclarer la personne mise en examen
irrecevable à critiquer ses conditions de détention à l'occasion d'une demande
de mise en liberté (…) énonce que
celles-ci sont étrangères aux prévisions de l'article 144 du Code de procédure
pénale ». – Cass. crim., 13 avr. 1999, n°
99-80.481 : inédit.
La Cour de cassation validait la solution du juge du fond qui refusait une
demande de remise en liberté fondée sur les conditions de détention « dans un quartier disciplinaire non chauffé »],
sauf à critiquer un état de santé incompatible [Cass. crim., 3 sept. 1997,
n° 97‑83.280 : inédit.
La Cour de cassation admettait l’efficacité du moyen de l’article 3 de la
Convention européenne des droits de l’Homme, mais l’écartait en l’espèce, car
le mis en examen bénéficiait d’une thérapie de soutien suffisant à assurer la
compatibilité]. Il est vrai cependant que l’arrêt de la Cour de
cassation de 2012, cité par la Cour européenne des droits de l’Homme [Cass. crim., 29 fév. 2012,
n° 11-88.441 : Bull.
crim., n° 58 ; AJP, 2012, p.
471, note E. Senna ;
RSC, 2013, p. 879, obs. X. Salvat ; Gaz.
Pal., 19 juil. 2012, p. 17, avis G. Lacan ; v. Yengo : préc. ;
§ 65],
qui confirme l’interdiction faite au juge du fond de prendre en compte les
conditions matérielles de détention en cas de demande de remise en liberté,
hors le cas de l’état de santé incompatible, relève d’une importance particulière,
déjà du fait de sa publication au Bulletin, ensuite du fait de la survenue de
l’arrêt après une longue évolution jurisprudentielle nationale et européenne
pour une meilleure protection de la dignité des détenus, enfin du fait de
l’avis contraire de l’avocat général qui avait conclu à la nécessaire prise en
compte de la prohibition de l’atteinte à la dignité dans la décision du juge de
la détention provisoire [Yengo : préc. ; § 15]. Malgré ces considérations, la
Cour de cassation a pourtant rappelé fermement que, sur le fondement de
l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, seuls doivent
être pris en compte les « éléments
propres à la personne concernée, suffisamment graves pour mettre en danger sa
santé physique ou mentale » pour fonder une remise en liberté. La Cour
européenne des droits de l’Homme en a déduit logiquement que la demande de
remise en liberté ne saurait être considérée comme un recours interne utile en
contestation des conditions matérielles de détention indignes [ibid.,
§ 65 – à l’inverse, le même arrêt tendait à faire de la remise en liberté un
recours interne efficace à permettre la fin de détention provisoire du prévenu
à l’état de santé incompatible, autre exigence imposée par la combinaison des
articles 3 et 13, avant même la consécration de la mise en liberté médicale par
le législateur en 2014 ; v. l’art. 147-1 CPP].
Elle en a tiré pour unique conséquence qu’il lui fallait rechercher si le
recours en excès de pouvoir ou les référés administratifs constituaient des
recours internes efficaces, alors même qu’évidemment ceux-ci ne peuvent
permettre la libération de la personne en détention provisoire. La Cour
européenne des droits de l’Homme confirmait ici que les conditions matérielles
de détention indignes, celles dues à l’insalubrité, la vétusté ou
la surpopulation [le plus souvent, tout cela à la
fois],
n’impliquent pas de droit à la libération. La dignité des conditions matérielles
de la privation de liberté ne figure pas comme un élément de la légalité de la détention
dans le standard européen.
Si cette position n’est
pas nouvelle, elle déçoit en l’espèce. D’abord parce que l’affaire concernait
un prévenu en détention provisoire, la présomption d’innocence justifiant plus
encore que pour le condamné une prise en compte de l’atteinte à la dignité. Ensuite
parce qu’en l’espèce, il semble bien que seule la libération était de nature de
mettre un terme rapidement à l’atteinte à la dignité, au regard de la
surpopulation de l’établissement pénitentiaire de Nouvelle-Calédonie dans
lequel était détenu le requérant [il est vrai que la Cour
n’a pas tranché en l’espèce l’existence d’un traitement inhumain et dégradant –
néanmoins, v. sur
l’état de l’établissement en 2011, tel que décrit par le Contrôleur général des
lieux de privation de liberté, Yengo :
préc., § 22 ; v. sur la
surpopulation pénitentiaire dans les établissements d’Outre-Mer, ibid., § 23 et s. ; v. la
tierce-intervention commune de la Commission nationale consultative des droits
de l’homme et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui
soulève l’impossibilité d’obtenir de meilleures conditions de détention pour le
requérant, ibid., § 45 et s.
– v. surtout l’appréciation de la Cour sur l’inefficacité du recours en excès
de pouvoir, au cours de laquelle elle a estimé que la surpopulation du seul
établissement pénitentiaire situé en Nouvelle‑Calédonie « ne permettait pas, en tout état de cause,
d’envisager que l’administration pénitentiaire puisse réagir à une demande de
changement de cellule ou de transfèrement de la part du requérant » ;
ibid., § 67].
Car même à imaginer un transfèrement en métropole pour échapper à la
surpopulation, celui-ci soulèverait de nouvelles questions quant à l’atteinte
aux droits de l’individu [v.
P. Poncela, « Demandés ou imposés, les transfèrements sur
la sellette », RSC, 2014, p.
153, spéc. n° V ou G. Bechlivanou Moreau, « Rendre plus
effectif le droit au maintien des liens familiaux », RSC, 2013, p. 137]. La Cour
européenne des droits de l’Homme n’est entrée dans aucune de ces considérations :
sauf à ce qu’elle décide d’adopter un arrêt pilote à l’occasion d’une affaire
particulière soumise à son examen, en établissant le caractère structurel de
l’indignité des conditions matérielles de détention, au regard du nombre des constats
de violation rendus par elle et du nombre des requêtes en stock avant premier
examen [v. pour le dernier en date, CEDH, sect. II, 10 mars
2015, Varga et autres c. Bulgarie, req. nos 14097/12,
45135/12 et 73712/12, en angl. ; nos
obs. ici],
il y a une certaine fiction dans sa jurisprudence à considérer toujours que
chaque cas individuel peut être amélioré en même temps que la privation de
liberté se maintient, au point qu’il n’est pas nécessaire de vérifier
concrètement si une telle évolution est vraiment possible, et à privilégier l’examen
abstrait des solutions juridiques fournies par le droit interne pour obtenir
une amélioration, la libération n’étant en tout cas jamais exigée.
Il n’en reste pas moins
que, comme le positionnement de l’avocat général dans son avis précité en
matière de détention provisoire [v. supra, n° 6 – ultérieurement à l’arrêt du 29 février 2012
contredisant cet avis, un juge d’instruction a accordé une remise en liberté,
en se fondant en partie sur les conditions de détention indignes ;
TGI Versailles, 26 juin 2013 : inédit.
L’affaire, qui concernait l’établissement pénitentiaire de Bois-d’Arcy, avait
bénéficié d’une exposition dans la presse généraliste. Le juge d’instruction avait
visité la cellule avant de se prononcer. D’après les affirmations de l’avocat,
retranscrites dans différents articles, la cellule, composée de 9 m²,
accueillait trois détenus, tandis que les murs de la cellule n’étaient pas
étanches aux intempéries et que celle-ci était dépourvue de chauffage],
un mouvement pour une meilleure prise en compte de l’indignité des conditions
matérielles de détention dans la continuation de la privation de liberté est
palpable, en dehors du droit pénal comme en dedans, notamment en droit de la
peine. Le juge judiciaire de la prolongation de la
rétention de l’étranger a bien fait de « l’atteinte portée à la personne » une cause d’irrégularité de
la procédure, sur le fondement direct de l’article 3, empêchant la prolongation
de la détention [Cass.
civ I, 1er déc. 2010, n° 09-13.207 :
inédit. L’atteinte à la personne de
l’étranger résultait de l’absence de son alimentation entre 9 h et 17 h dans
l’attente d’une audience. – Cass.
civ. I, 1er juin 2011, n° 10-30.609 :
inédit. L’atteinte à la personne, y
compris pendant la garde à vue, qui précède la rétention, autorise le rejet de
la prolongation de la détention de l’étranger. Elle relevait aussi en l’espèce
du défaut d’alimentation durant près de dix‑neuf heures. Par comparaison, un
défaut d’alimentation d’un suspect en garde à vue pendant 22 heures ne permet
pas d’annuler la mesure, dans le contentieux de la régularité de la procédure
pénale, en raison du défaut de dépassement de seuil ; Cass.
crim., 9 mars 2011, n° 09-81.138 : inédit. La Cour européenne des droits de
l’Homme a qualifié de traitement dégradant l’absence de fourniture d’eau et de
nourriture à des témoins, retenus pour audition, de 19 h 30 à 5 h du
matin ; CEDH,
sect. III, 22 févr. 2011, Soare
et autres c. Roumanie, req. n° 24329/02].
Le juge
judiciaire s’est aussi approprié le contrôle de l’adaptation des conditions
matérielles de détention de la famille placée en rétention et son refus de
prolonger la rétention des parents, que les enfants accompagnent [La
rétention administrative, en droit, concerne les seuls parents, puisque la loi
écarte la rétention administrative des mineurs, ceux-ci s’y trouvant uniquement
pour accompagner leurs parents, sans titre de détention propre. La Cour
européenne des droits de l’Homme avait d’ailleurs sanctionné le droit français
au titre de l’article 5 § 4, puisque les enfants se trouvent
dépourvus du droit de contester leur propre placement en détention ; CEDH, sect. V, 19 janv. 2012, Popov c. France, req. nos
39472/07 et 39474/07 :
JCP, 2012, n° 221, obs. F. Sudre ; Dr. famille, 2012, comm. n° 43, note M. Bruggeman ; AJDA, 2012, p. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen
; D., 2012, p. 363, obs. C. Fleuriot ; ibid., p. 864, entretien S. Slama
; ibid., p. 2267, chron. A. Gouttenoire ; ibid., 2013, p. 324, chron. K.
Parrot ; AJP, 2012, p. 281,
note S. Slama ; Rev. crit. DIP, 2012, p. 826, comm.
K. Parrot ; § 122 et s.],
au visa de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, est
licite, à condition de « caractériser,
en l’espèce, un traitement inhumain ou dégradant », ce que ne constitue
pas, par principe, la rétention administrative du très jeune enfant [Cass. civ. I, 10 déc. 2009, n°
08-14.141 :
Bull. civ. I, n° 249 ; AJDA, 2010, p. 435, avis P. Chevalier ; Rev. crit. DIP, 2010, p. 116, note S. Corneloup ; Constitutions, 2010, p. 260, obs. P. Chevalier ; JCP,
2010, n° 127, note N. Guimezanes ;
Dr. Famille, 2010, ét. n° 14, comm.
M. Farge. En l’espèce, le juge du
fond s’était prononcé par des motifs abstraits à savoir « des conditions de vie anormales imposées à
ce très jeune enfant quasiment dès sa naissance, après avoir été gardé à vue
avec sa mère, et, d'autre part, de la grande souffrance morale et psychique
infligée à la mère et au père par cet enfermement, souffrance manifestement
disproportionnée avec le but poursuivi, c'est-à-dire la reconduite à la
frontière ». L’enfant détenu avec ses parents était âgé de deux mois
et demi. V. cependant pour un arrêt apparaissant en retrait, Cass. civ., 28 mars 2012, n°
10-26.141 :
inédit et v. pour l'admission de la rétention du jeune mineur, au motif que le juge du fond a caractérisé que les conditions de détention étaient adaptées, Cass.civ.I, 30 avr. 2014, nos 13-11.587 et 13-11.589 : inédits].
Au final, le Tribunal des conflits a indirectement consacré le pouvoir du juge
judiciaire de refuser de prolonger la rétention en raison de conditions de
détention indignes [T. confl., 29 déc. 2004,
pft Deux-Sèvres c. TGI Niort, n° 3429 :
Rec. CE ; AJDA, 2005, p. 1011, note L. Domingo. Concernant l’action destinée à permettre le constat
de la preuve des conditions matérielles de détention de l’étranger, le Tribunal
des conflits confirmait la compétence judiciaire de l’action, dès lors que le
constat pouvait être soumis au juge judiciaire saisi pour prolonger la
rétention administrative]. Certaines décisions du juge
judiciaire ont pris en compte des atteintes à la dignité de la personne
détenue, pour justifier de l’octroi de mesures d’aménagement de peine, même si
les seules conditions matérielles de détention n’étaient pas utilisées [Cass.
crim., 25 nov. 2009, n° 09-82.971 :
Bull. crim., n° 197 ; AJP, 2010, note M. Herzog-Evans. Sur le fondement de
l’article 3, la Cour de cassation avait reproché au juge du fond d’avoir rejeté
la demande de placement sous surveillance électronique du condamné, « sans rechercher si, compte tenu de son
handicap, il ne serait pas exposé, en raison des conditions effectives de
détention dans un […] établissement
pénitentiaire, à une détresse ou à une épreuve qui excéderait le niveau
inévitable de souffrance inhérent à la détention », si bien que le
critère, plutôt lié à l’état de santé incompatible, au regard de la décision,
apparaissait bien comme un des principes devant guider l’aménagement des
peines. – TGI Bobigny, 26 mai 2011 : AJP,
2013, p. 113, obs. M. Herzog-Evans.
Le juge du fond octroyait une libération conditionnelle, sur le seul fondement
de l’atteinte à la dignité humaine, même si de nouveau, le juge utilisait un
pan de l’article 3 différent des conditions matérielles de détention indignes,
sa décision s’appuyant sur les brimades subies par le demandeur en détention de
la part d’un surveillant].
Plus récemment, la Chambre d’application des peines de Montpellier a accordé un
aménagement de peine en visant directement l’état de surpopulation de
l’établissement pénitentiaire dans lequel le demandeur était détenu [CA Montpellier, CHAP, 18 juin 2014,
n°14/00566 : AJP, 2014, p. 494, comm. A. Ponseille :
parmi d’autres éléments, le juge du fond notait « qu'il s'agit donc de l'exécution d'une très
courte peine privative de liberté au cours de laquelle, il ne pourra pas être
préparé un projet visant à l'insertion ou la réinsertion de la personne
condamnée dès lors que l'exécution d'une peine dans un établissement
pénitentiaire confronté à une situation de surpopulation, contribue à altérer
son efficacité en limitant l'accès aux activités » et que la mesure
d’aménagement était, « dans ce
contexte désocialisant, seule à même d'assurer une exécution de la sanction
pénale dans des conditions qui préservent la dignité humaine »].
Le législateur a lui-même accompagné ce mouvement, modifiant en 2014 l’article 707 du Code de
procédure pénale, qui rassemble les principes généraux
de l’application des peines, lequel précise désormais que :
« toute personne condamnée incarcérée en
exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est
possible, d'un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions
matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement
pénitentiaire ».
Il est dommage que la
Cour européenne des droits de l’Homme reste étrangère à ce mouvement, alors que
les particularités de l’espèce semblaient appropriées à la consécration d’une
inclinaison dans cette direction.
6.
La confirmation de l’inefficacité du recours en excès de pouvoir pour assurer
la protection de la dignité du détenu. La Cour européenne des
droits de l’Homme a écarté également que le recours en excès de pouvoir puisse
servir de recours interne utile à la contestation des conditions matérielles de
détention actuelles. Elle aurait pu se contenter de mettre en avant la lenteur
du recours. Le recours en protection de la dignité suppose une particulière
rapidité pour pouvoir mettre fin au plus vite au traitement inhumain et
dégradant [et un effet suspensif même
parfois ; v. CEDH, sect. V, 2 févr. 2012,
I. M. c. France, req. n° 9152/09 :
JCP, 2012, n° 222, obs. L. Milano ; AJDA, 2012, p. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen ; JCP A, 2012, n° 2212, comm. G. Marti ; D., 2013, p. 324, chron. S. Corneloupou ou CEDH, gde ch., 21 janv. 2011, M. S. S. c. Belgique et Grèce, req.
n° 30696/09 : Rec. CEDH, 2011 : JCP,
2012, doctr. n° 924, chron. F. Sudre ;
AJDA, 2011, p. 138, obs. M.‑C. de Montecler ; AJDA, 2011, p. 1993, chron. L. Burgorgue-Larsen],
si bien qu’il doit présenter « des
garanties minimales de célérité » [Payet : préc. ; § 131], ce que la Cour a rappelé en l’espèce
dans la mise à l’écart du recours de la demande en remise en liberté, notant
en l’espèce qu’à supposer que la Cour de cassation se soit montrée favorable à
la prise en compte des conditions matérielles de détention, le requérant aurait
pu espérer, après renvoi, obtenir la levée de la privation de liberté plus de
cinq mois après l’introduction de son action [Yengo : préc. ;
§ 65]. De ce point de vue, la hausse récente du contrôle du juge administratif
sur le placement en cellule disciplinaire saisi d’un recours en excès de
pouvoir apparaît peu décisive en cas d’atteinte à la dignité du détenu [CE, 1er juin 2015, Boromée c. Min. justice, n° 0380449 :
Rec. CE : v. nos obs. ici].
La Cour européenne des
droits de l’Homme a choisi d’écarter la voie de l’excès de pouvoir en ce que
« l’état de surpeuplement de la
prison concernée […], la seule sur le territoire de Nouvelle-Calédonie, ne
permettait pas, en tout état de cause, d’envisager que l’administration
pénitentiaire puisse réagir à une demande de changement de cellule ou de
transfèrement de la part du requérant » [Yengo : préc. ; § 67].
Il est vrai qu’en cette matière, qu’il s’agisse d’un transfèrement forcé ou
d’une mesure sollicitée par le détenu et refusée par l’administration [CE, 13 nov. 2013, n° 338720,
X. c. Min. justice],
la théorie de la mesure d’ordre intérieur perdure, sauf en cas de déplacement
entre établissements de nature différente, tout établissement pour peine étant
considéré comme de nature identique par principe [CE, 3 juin 2009, Boussouar, n° 310100 :
Rec. CE, T., p. 823 ; AJDA, 2011, p. 678, note M. Poujol – v. contra pour le cas particulier du centre de détention de
Casabianda, qui fonctionne sur un régime de détention ouvert, si bien que le
transfèrement du détenu de l’établissement à un autre centre de détention
pratiquant un régime de détention de droit commun ouvre droit au contrôle, CE, 13 nov. 2013, n° 355742, Puci, Garde des
sceaux, ministre de la justice] ou d’atteinte à une
liberté fondamentale [v. pour le rejet d’un
référé-suspension visant la liberté à mener une vie familiale normale, CE, 27 mai 2009, Miloudi, req. n° 322148 :
Rec. CE ; Gaz. Pal., 23 juin 2009, p. 12,
note M. Guyomar],
le contrôle du juge étant perfectible [v. P. Poncela, op. cit.]. Toujours est‑il que l’empêchement
d’un changement de cellule ou d’un transfèrement garantissant l’octroi de
meilleures conditions de détention devait d’abord servir à fonder par exception
un droit à la libération, pour constat de l’impossibilité de mettre un terme au
traitement inhumain et dégradant sans suspension de la privation de liberté. S’il
n’existe pas de droit à la libération du fait de l’indignité des conditions
matérielles de détention, il ne peut être tiré non plus de l’arrêt de droit à
être transféré dans une autre cellule ou un autre établissement assurant des
meilleures conditions de détention [v. également infra, n° 8].
7.
La consécration apparente des référés administratifs comme recours utiles en
contestation de l’indignité des conditions matérielles de détention. Restait
donc la voie des référés administratifs, qui prennent certes de la consistance
en matière d’atteinte à la dignité des détenus, mais restent soumis à des
conditions restrictives comme l’urgence ou l’évidence. La Cour européenne des
droits de l’Homme a constaté en l’espèce qu’ils n’étaient pas utiles pour le
détenu, ce dont elle avait déjà douté dans sa décision Lienhardt [préc. :
« par ailleurs, la Cour estime que
le Gouvernement n’apporte pas d’éléments suffisamment déterminants pour la
convaincre que tant le référé liberté devant le juge administratif que le
recours en excès de pouvoir, également devant ce juge, fût-il assorti d’une
demande de suspension immédiate en référé, constituent des voies de recours
permettant de remédier à une situation analogue ou comparable à celle alléguée
par le requérant »]. Mais elle a semblé en même temps
indiquer que ces référés pourraient à l’avenir être considérés comme un recours
utile au regard des fameuses jurisprudences concernant la prison des Baumettes,
nées après l’action du requérant critiquant la dignité de ses conditions de
détention dans le cadre de la demande de remise en liberté. Dans ces affaires,
saisi d’un référé-liberté, le juge du fond [TA Marseille, 13
déc. 2012, Section française de l'observatoire international des prisons, n° 1208103 : AJDA, 2012, p. 2414, obs. D. Necib. La requête visait à
contraindre l’administration à faire examiner l’ensemble du système électrique,
à retirer l’ensemble des objets susceptibles de présenter un danger pour les
détenus dans les cellules, notamment des bris de verre, à procéder à la
désinfection et à la dératisation des locaux, de remplacer les ampoules
défectueuses, d’assurer l’accès à l’eau courante dans les cellules, d’améliorer
le système de distribution des repas pour éviter tout contact avec le sol et
enfin d’enlever les ordures et les détritus] avait accueilli
certaines demandes et formulé des injonctions à l’administration [il
avait enjoint à l’administration pénitentiaire « de contrôler que chaque cellule dispose d’un éclairage artificiel et
d’une fenêtre en état de fonctionnement », de « faire procéder à l’enlèvement des détritus présents dans les parties
collectives et les cellules » et de « modifier
immédiatement les méthodes de distribution des repas pour que ces derniers ne soient
pas entreposés sur le sol, ni à proximité des poubelles », soit des
éléments, apparaissant certes dérisoires, mais servant bien à caractériser la
violation du standard minimum consacré par la Cour européenne des droits de
l’Homme],
en se référant aux recommandations rendues précédemment par le Contrôleur
général des lieux de privation de liberté [Recommandations
en urgence du 12 nov. 2012 relatives au centre pénitentiaire des Baumettes à
Marseille : J. O., 6 déc. 2012],
aussi bien pour caractériser la condition de l’urgence, que la preuve des
atteintes « au droit des personnes
détenues à ne pas être victimes de traitements inhumains et dégradants »
[à l’inverse, le juge du fond avait écarté au regard
des recommandations l’absence d’un « péril
imminent » pour la vie des détenus, excluant une atteinte au droit à
la vie consacré par l’article 2 de la Convention européenne des droits de
l’Homme et du citoyen, si bien qu’il rejetait les demandes d’injonction
concernant l’inspection du système électrique et la fouille des cellules, pour
retirer l’ensemble des objets dangereux pouvant s’y trouver. Quant aux
conditions matérielles de détention indignes, le juge du fond avait écarté les
demandes d’injonction concernant la dératisation de l’établissement, au regard
de l’existence « d'un contrat de
prestations de dératisation et de désinsectisation ». De même, le juge
du fond rejetait les demandes tendant à l’accès à l’eau potable et à
l’installation d’éclairage dans les parties communes de l’établissement, au regard
de l’absence de précisions sur ces points dans les recommandations.],
ce dernier étant reconnu comme une liberté fondamentale. Saisi pour la
partie des demandes rejetées par le juge du fond, le Conseil d’État [CE, réf., 22 déc. 2012, Sect. Fr. OIP, n° 364584
: Rec. CE ; D., 2013, p. 1304, chron. É. Péchillon
; AJP, 2013, p. 232, obs. É. Péchillon ; JCP, 2013, n° 87, note O. Le
Bot ; ADL, 27 déc. 2012, note
S. Slama ; JCP A, 2013, n° 2017, obs. G. Koubi]
a confirmé l’application du référé-liberté au contentieux, en se référant au
principe législatif de la dignité [l’article 22 de la loi pénitentiaire
prévoit que « l'administration
pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de
ses droits »] et à l’article 3 de la Convention
européenne des droits de l’Homme [le juge
administratif utilisait également l’article 2 de la Convention pour viser les
hypothèses où les conditions matérielles de détention présenteraient
directement un risque pour la vie du détenu],
pour qualifier le « droit de ne pas
être soumis à des traitements inhumains ou dégradants » de liberté
fondamentale [il reconnaissait aussi
l’utilité du recours pour neutraliser les conditions matérielles de détention
générant « un danger caractérisé et
imminent pour la vie des personnes », sur le fondement du droit à la
vie]. Le Conseil d’État, en
considération de la situation du détenu, de sa vulnérabilité et de sa
dépendance, a établi l’obligation légale pour l’administration de prendre
toutes les mesures utiles pour prévenir tout traitement inhumain et dégradant,
dans un raisonnement qui n’était pas sans rappeler l’obligation positive
dégagée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt Kudla [CEDH, gde ch., 26 oct. 2000, Kudla
c. Pologne, req. n°
30210/96 : Rec. CEDH, 2000-XI ; AJDA, 2000, p. 1006, chron. J.-F. Flauss ; RFDA, 2001, p. 1250, chron.
H. Labayle et F. Sudre ;
§ 94 : « l’article 3 de la Convention impose à l’État de s’assurer que
tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le
respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne
soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui
excède le niveau inévitable de souffrances inhérent à la détention et que, eu
égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du
prisonnier sont assurés de manière adéquate »] :
seule la démonstration de la carence de l’administration, « qui […] expose [les personnes détenues] à
être soumises, de manière caractérisée » au traitement inhumain et
dégradant, justifie que le juge administratif adopte les injonctions
nécessaires au rétablissement des conditions de détention conformes. C’est une
appréciation souple des conditions du référé-liberté qui est posée, s’inspirant
sans doute de la collaboration établie entre la Cour européenne des droits de
l’Homme et le Comité de prévention contre la torture et aboutissant, en quelque
sorte, à ce que l’autorité juridictionnelle sanctionne les recommandations,
pourtant non obligatoires, de l’autorité dotée d’un pouvoir d’investigation. De
surcroît, l’usage du référé-liberté n’apparaissant pas subordonné à la
démonstration d’une violation précise d’une disposition interne, la
jurisprudence nationale rappelle la valeur quasi
normative du standard européen. Le mouvement a été renforcé par
l’admission, toujours concernant la prison des Baumettes, d’un référé « mesures utiles » [l’article L.
521-3 du Code de justice administrative
permet au juge administratif des référés, « en cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en
l'absence de décision administrative préalable », d’« ordonner toutes autres mesures utiles sans
faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ». La
section française de l’Observatoire international des prisons demandait au juge
de « procéder à la fermeture des
bâtiments A, B et D à titre conservatoire, dans l'attente de la réalisation des
travaux », de « prendre
toutes les mesures nécessaires à l'arrêt de toute nouvelle affectation au sein
des bâtiments A, B et D, à compter de l'ordonnance à intervenir », de
« prendre les mesures nécessaires
pour assurer le changement d'affectation des personnes détenues au sein des
bâtiments A, B et D dans le respect du droit au maintien de leurs liens
familiaux », de « procéder,
au besoin après avoir ordonné une expertise aux travaux indispensables à
l'accueil des détenus »],
par le juge du fond [TA
Marseille, 10 janv. 2013, Sect. Fr. OIP,
n° 1208146 : AJDA, 2013, p. 80,
obs. D. Necib], qui a imposé à l’administration de
prendre des mesures conservatoires, « pour
prévenir ou faire cesser un péril dont il n’est plus sérieusement contestable
qu’il trouve sa cause dans l’action ou la carence de l’autorité publique »,
en se fiant de nouveau à l’obligation de respecter la dignité du détenu, tant
au regard de sa consécration législative, qu’au regard des dispositions de la
Convention européenne des droits de l’Homme, et aux conclusions du Contrôleur
général des lieux de privation de liberté [le juge du fond
accentuait encore l’étendue de ses injonctions, enjoignant à l’administration « de procéder aux travaux indispensables en matière d’étanchéité du
bâtiment D », de réaliser « l’installation de cloisons d’intimité dans 161 cellules », de
« mettre à exécution la deuxième
phase des travaux de mise en conformité électrique tels que demandés par
la sous-commission sécurité incendie des Bouches‑du‑Rhône » et de
procéder à « la remise en état des
monte-charges destinés au transport des déchets », cette dernière
mesure visant expressément à assurer l’efficacité des injonctions prises par le
Consei1 d’État précédemment concernant le même lieu. Le juge administratif
fixait même un délai de trois mois à l’administration pour débuter les travaux.
En revanche, les demandes tendant à la fermeture des plusieurs ailes du
bâtiment et à la modification d’affectation des détenus présents dans ces
ailes, étaient écartées pour outrepasser le pouvoir d’injonction du juge des
référés, limité par la loi, celui-ci ne pouvant « faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative »]. Un
nouveau jugement en amélioration des
conditions de détention a été rendu par le Tribunal administratif de Fort-de-France
le 17 octobre 2014 [TA
Fort-de-France, 17 oct. 2014, Sect. Fr.
OIP, n° 1400673 : D.,
actu., 24 oct. 2014, obs. M. Léna].
Les requérants, outre des demandes d’injonction en travaux de réfection pour remédier
à la vétusté et à l’insalubrité, avaient aussi demandé au juge d’allouer
des moyens techniques, financiers et humains aux différents services
intervenant en milieu pénitentiaire pour leur permettre d’assurer leurs
missions, et notamment d’accroître le taux de mesures d’aménagement de peine
prononcées, ce qui était indirectement un moyen de souligner la surpopulation
de l’établissement pénitentiaire, et d’exiger de le traiter, non sans malice, par
le déploiement de moyens à la hauteur. Si les injonctions du juge ont essentiellement
résidé dans des mesures de réfection, les mêmes mesures élémentaires que celles
rendues dans l’affaire des Baumettes [lutte contre les
animaux nuisibles, gestion des ordures, aménagement des cours de promenade,
réfection des cellules, distribution de produits d’hygiène, entretien des
cellules],
le juge a aussi imposé la présence à temps plein d’un médecin généraliste
supplémentaire et la mise en place d’un système de garde médicale pour la nuit
et la fin de semaine [ibid.,
§ 36], sans se fonder sur le moindre avis du Contrôleur
général. Ce dernier jugement montre déjà un progrès notable.
8.
La surpopulation et la médiation européenne. Voilà donc les
recours – référé-liberté et référé mesures utiles – qui seraient efficaces, pour
l’avenir en tout cas, la sanction du droit français tenant à ce que l’action du
requérant s’inscrivait avant cette avancée du droit interne : la Cour
européenne des droits de l’Homme affirmait ne pas exclure que « le constat fait par [le Contrôleur
général des lieux de privation de liberté]
lors de sa visite du centre pénitentiaire de Nouméa en octobre 2011 aurait pu
suffire à établir la condition d’urgence requise par l’article L. 521‑2 du
CJA et déclencher l’intervention du juge des référés en l’espèce » [Yengo : préc. ; 68].
Et c’est ici que
l’arrêt Yengo est sans doute le plus
décevant pour laisser penser que contre « l’état de surpeuplement de la prison concernée […], la seule sur le territoire de
Nouvelle-Calédonie » [Yengo :
préc. ; § 67], l’action en obtention
de mesures élémentaires de réfection ou d’assainissement (un pansement ?) caractérise
un droit de recours efficace devant le juge national. Car on voit mal comment
le référé-liberté ou le référé mesures utiles permettrait de résoudre le problème
de la surpopulation, critère central de la caractérisation des conditions
matérielles de détention indignes, tant elle obère la totalité du régime de la
privation de liberté. Il faut en déduire que la soumission à des conditions
matérielles de détention indignes n’ouvre ni un droit à la libération, ni un
droit d’être préservé de la surpopulation pénitentiaire. Il y a au moins ici
une cohérence, puisque la consécration du second imposerait sans doute la
consécration du premier.
Définitivement, le
traitement de la surpopulation est donc abandonné au niveau européen à la
procédure d’arrêt-pilote, ceux-ci se multipliant, au moins [v.
ici]. La Cour européenne
des droits de l’Homme préfère ainsi installer un processus de médiation ou de
collaboration avec l’État, celui-ci conservant une marge d’appréciation dans le
choix des mesures à adopter pour remédier à la situation, la Cour ne faisant
que des recommandations – qui ne surprennent guère ! – tenant au caractère
exceptionnel de la détention provisoire ou à l’usage préférentiel de sanctions
de nature non privative de liberté [v. par ex. Varga : préc. ;
§ 104 et s.]. Le droit français est-il sous la menace ? Sans doute, dès
lors que les condamnations se sont multipliées ces dernières années sur l’ensemble
des pans de la protection de la dignité des détenus [v. pour le dernier exemple sur des carences dans les soins apportés en
détention, CEDH,
sect. V, 19 févr 2015, Helhal c. France, req. n° 10401/12]. Alors, l’arrêt Yengo pourrait être un sursis, tant on
voit mal comment la France pourrait échapper à un arrêt-pilote, en cas de
constat futur prévisible de l’insuffisance des référés administratifs à assurer
la protection de la dignité des détenus.
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